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P-Love – Interview

P-LOVE

P-Love, c’est bien mais ce n’est pas encore très connu. Profitant de sa présence à Mains d’Oeuvres le 27 octobre, nous lui avons donc demandé de nous retracer son parcours, entre Bully Records, Kid Koala, Q-Bert, les Smiths et la trompette classique.

P-Love

Je t’ai découvert par Bully Records. Comment y as-tu atterri ?

C’est très simple. Avant même de lancer Bully Records, Marco, le type qui dirige le label, tenait une boutique de disques à Montréal, Disquivel. J’y ai bossé pendant un été, une année où je n’étais pas en tournée. C’est alors qu’il m’apprit qu’il allait créer un label. Il préparait la sortie des premiers singles, He Did Glass Music et les autres. Et en même temps, et je bossais avec Sixtoo pour l’album de Villain Accelerate.

Tu as participé à Villain Accelerate ?

Oui, j’y ai fait des scratches. Marco et Robert (NDLR : Sixtoo) étaient de bons amis et ils m’ont proposé de sortir un maxi. J’ai accepté. Et tout est parti de là.

Tu as aussi des liens avec Kid Koala.

Oui.

C’est quoi l’histoire ?

C’est différent. Ca remonte à 1997. La scène DJ est très petite à Montréal, tout le monde se connaît. Nous nous sommes rencontrés comme ça. Il était pote avec des amis de ma soeur. Quand nous nous sommes rencontrés, nous avons réalisé que nous habitions le même quartier, à une rue l’un de l’autre : « ah, toi aussi tu es DJ, ce serait bien de faire des jams ensemble ». C’était à peu près à l’époque de sa signature chez Ninja Tune. Il n’était pas souvent là, mais quand nous nous voyions, nous jammions ensemble. Quand son premier disque est sorti, il m’a demandé de l’accompagner aux platines. Et aujourd’hui encore nous bossons ensemble.

Tu me dis que la scène DJ est petite à Montréal, mais j’ai le sentiment que ça change.

Oui, ça change, mais pas spécialement pour les DJs. Quand je parle de scène DJ, je parle de scratch DJs. Ca a grossi un peu, mais la mentalité est restée la même. C’est encore petit, les gens sont restés des amis. Quand à la scène des scratch DJs, elle est vraiment toute petite. Il n’y a aucune animosité entre les gens. C’est très différent de New York. Là-bas, tout le monde est DJ, tout le monde essaie d’être plus gros que l’autre et c’est propice aux rumeurs et propos médisants.

A la base, tu es de New York.

Oui.

Pourquoi es-tu parti ?

Je suis allé à l’université de Montréal avec ma soeur. A l’époque j’avais 18 ans et j’étais dégoûté par New York. Je voulais partir, loin, mais pas trop de mes parents.

Tu as encore des liens avec des DJs new-yorkais ?

Oui, avec quelques scratch DJs de là-bas. J’étais au lycée avec le type qui s’occupe de Tables Magazine. On faisait des jams ensemble autrefois. Mais maintenant, quand je vais à New York, c’est principalement pour voir ma famille et une poignée d’amis.

Tu as eu une autre expérience musicale. Tu as été trompettiste classique.

C’était avant d’être DJ, avant de faire des beats. J’ai commencé le piano à 6 ans, j’ai eu 12 à 13 ans de leçons. Je me suis mis à la trompette un peu plus tard. A l’origine, le plan était de jouer de la trompette dans un orchestre et de voyager avec. J’ai appris aussi un peu de jazz, mais bien plus tard. Et j’ai commencé les platines au lycée.

Ton album commence avec une trompette. C’est toi qui en joue ?

Oui. C’était très important pour moi. Je voulais garder ça. Cet album est plein de références. Je voulais qu’il y ait ce genre de son. C’est mes racines, le piano et la trompette. Même si je ne joue pas de la trompette tout au long de l’album, je voulais garder au moins ça.

Tu y joues d’autres instruments ?

Oui. La plupart des instruments, trompette, guitare, piano, d’autres claviers, ce truc appelé stylophone, et une partie des percussions. Et des amis sont venus compléter tout ça.

J’ai entendu dire que ton album sortait également sur Ninja Tune.

C’est distribué par Ninja Tune en Europe. Ninja Tune nous a vraiment beaucoup aidés. A ce jour, Bully Records a principalement sorti des maxis, et Ninja Tune nous a aidés à atteindre un public plus large.

J’ai lu dans ta bio que tu avais été dans un groupe de reprises des Smiths. Le webzine auquel est destiné cette interview est dans l’indie pop, ça va l’intéresser.

(rires). Oui, c’était quand j’étais au lycée. Je n’ai jamais été obsédé par les Smiths. Mon truc c’était plus les Pixies et compagnie. Mais c’était ma première expérience en dehors d’un orchestre. Je jouais de la guitare pendant que mon père chantait à la messe dans une chorale. C’est la première expérience musicale que j’ai vraiment décidée moi-même. Je ne sais même pas pourquoi j’ai mentionné ça. Sans doute parce que c’était mon premier groupe, la première chose que j’ai faite par moi-même. Ma première initiative musicale indépendante de mes parents.

Quand as-tu commencé le deejaying ?

En 1993. Mes amis étaient DJs, c’était donc naturel. J’ai grandi dans une communauté philippine, et c’est l’une des choses que tu es amené à faire quand tu es philippin. Jouer au basket ou faire ça (rires). Et comme je ne peux pas jouer au basket, pas plus qu’aux autres sports… J’ai tout de suite fait des parallèles entre le deejaying et le fait de jouer d’un instrument. Quand je pense qu’il y a des gens qui considèrent que le deejaying n’est pas de la musique… Qu’ils aillent se faire foutre. J’ai commencé par assembler des beats et j’ai vu tout ce que je pouvais apprendre. Par exemple, comment faire que deux choses sonnent bien ensemble. Tu peux assembler tout ce que tu veux à partir du moment où le rythme est le même, mais des fois, ça ne sonne pas juste, ça ne va pas ensemble, ça ressemble à de la merde. J’ai compris l’importance de tout ça. Au début, je ne pratiquais pas beaucoup le deejaying, j’étais vraiment accaparé par mes leçons de trompette, mais j’allais souvent en soirée. Sur place, j’aidais et je conseillais mes amis. Et un jour, l’un d’eux m’a dit : « tu devrais te mettre au deejaying, parce que tu connais et que tu comprends la musique ».

Pratiquer la musique classique t’a été profitable en tant que DJ ?

Oui ! Complètement. Je ne l’ai pas réalisé tout de suite. Les théories musicales que j’avais apprises ne m’ont pas aidé à devenir un meilleur DJ. C’est arrivé plus tard, quand je me suis penché sur la trompette jazz à l’université, en même temps que je faisais des DJs battles. Mais j’ai aussi beaucoup appris en regardant les vidéos de Q-Bert. J’ai su mêler mes deux expériences. A cette époque, j’ai commencé à mixer des solos de Miles Davis et ce genre de choses. J’essayais de restituer les sensations et les nuances de mon jeu de trompette. Donc oui, ça m’a été profitable.

Tu m’as dit que le deejaying était important dans la communauté philippine. C’est vrai aussi de la Côte Ouest. D’où ça vient ?

Je ne sais pas. Il y a eu un livre là-dessus, sur la communauté de DJs philippins de la Bay Area. Je ne sais pas d’où ça vient. Peut-être parce qu’ils font beaucoup la fête et qu’ils ont besoin d’engager des DJs (rires). Et puis il y a beaucoup de Philippins qui ne peuvent pas faire de basket et qui n’ont pas des tonnes d’argent à dépenser dans leurs voitures. Alors ils se mettent au deejaying (rires).

Qu’en est-il de cette tournée en France et en Suisse ?

Elle ne fait que commencer ! Je ne sais pas comment ça va se passer. C’est le premier show à Paris.

Et par le passé ? Tu es déjà venu en Europe ?

J’ai fait des tournées avec Kid Koala. Trois tournées en Europe en un an, c’était de la folie. Mais c’est la première fois que j’ai l’occasion de rester un peu à Paris. Jusqu’ici, je n’étais jamais resté plus d’un jour, je n’ai vu que des salles de concert. Mais cette fois, j’ai pu visiter le Louvre hier et prendre quelques photos (rires).

Beaucoup de gens jugent les publics européen et nord-américain très différents.

C’est juste. Mais en fait ça dépend plutôt de chaque pays. Même en Amérique du Nord, ça dépend de la ville. Les gens qui viennent te voir en Alabama n’ont rien à voir avec ceux que tu croises à un concert à Los Angeles.

Tu viens de sortir ton album. Tu as d’autres projets ?

Matt Kelly et moi préparons un nouvel EP pour Bully. Je vais sans doute sortir deux autres maxis. Et un de ces jours je commencerai à travailler sur un nouvel album. Mais je dois trouver du temps, j’ai un agenda de concerts très chargé pour les mois à venir pour la promotion de mon album.

Un message pour clore l’interview ?

S’il vous plait, venez à mes concerts (rires).

Propos recueillis par Sylvain Bertot

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