ALIAS & EHREN – Lillian
(Anticon / Southern) [site] – acheter ce disque
Le problème avec Alias jusqu’ici, c’était son rap, cette façon de tirer trop fortement sur la corde sensible, de donner dans la logorrhée conjuguée à la première personne et d’user pour cela d’un flow lassant. Mais quand il épargne à sa musique la surcharge de pathos, c’est un plutôt bon beatmaker, comme la plupart de ses comparses passés par Anticon. Et depuis le mitigé « The Other Side of The Looking Glass », il n’a cessé d’évoluer dans le bon sens, sortant le bon « Muted », côtoyant Styrofoam, Lali Puna et d’autres gens bien sans rapport avec le hip hop. C’est donc avec un préjugé plutôt favorable que doit être accueilli ce nouveau disque intitulé en hommage à sa grand-mère décédée et qu’il a concocté avec Ehren Whitney, ce frère multi-instrumentiste de 11 ans son cadet, plus jeune membre d’une famille où l’on est musicien de génération en génération.
Sur « Lillian », la recette des deux frères est assez simple : Alias peaufine des instrumentaux amples et délicats, pas si éloignés que ça de son registre habituel, mais plus accueillants et plus lumineux (hormis l’inquiétant « Narrowed Iris ») ; et son cadet, touche inédite, agrémente le tout de notes de saxophone, de clarinette et de flûte. Tout le disque est fait de ce dialogue entre les machines et les instruments. Tantôt, c’est un saxo qui vient rejoindre à mi-parcours de longues nappes (« Eman Ruosis Iht »). Tantôt, c’est une clarinette qui répond à des bleeps et à des sons de guitare électrique (« Back and Forth ») et Ehren qui profite de l’occasion pour démontrer sa virtuosité. Tout le reste est à l’avenant, et rien dans cette formule ne jure ni ne fait tâche. Sur ce nouvel album, Alias fait preuve d’une retenue qui ne lui a pas toujours été coutumière, et c’est tant mieux. Il peut encore s’appesantir plus que nécessaire sur tel ou tel beat, Ehren peut pousser un peu trop dans la pose du jazzman qui recherche la note bleue, mais rien n’est rédhibitoire. « Lillian » est un beau disque agréable et homogène, il ranime au mieux le souvenir de l’aïeule disparue auquel il est dédié, un souvenir que l’on devine radieux. Tout juste manque-t-il les titres vraiment poignants dont est parfois capable le hip hop instrumental. Seul le finale, un « Netting Applause » en saxophone et échos dub rien moins que somptueux, apporte le petit extra nécessaire à ce joli album un poil trop sage.
Sylvain Bertot
Eman Ruosis Iht
Back and Forth
Lillian
Sunfuzz
Miso Stomp
Ladders
Blurry Edges
52nd & West
Most Important Things
Moonfuzz
Narrowed Iris
Cobblestoned Waltz
Netting Applause