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Disques

Jérémie Kisling – Le Ours

JÉRÉMIE KISLING – Le Ours
(Naïve) [site] – acheter ce disque

JÉRÉMIE KISLING - Le OursDans le petit documentaire filmé que lui consacre Télérama, Jérémie Kisling contemple Lausanne, sa ville, façon Rastignac, et commente : "Je me sens super bien ici parce que, tu vois, il y a un esprit assez esprit villageois. Moi, j’ai vraiment envie de rester là et de profiter un peu de la vie". Vous l’aurez compris, Jérémie Kisling n’est pas du genre à lancer "A nous deux, Lausanne!" en empoignant sa guitare. Non, le Suisse, déjà auteur d’un premier album remarqué, préfère les petits plaisirs tout simples : jouer dans sa cuisine ou sur son balcon, profiter de la quiétude apaisante du lac Léman, rêvasser. Là, on vous arrête tout de suite : rien à voir avec Bénabar. Les récits régressifs de trentenaire, très peu pour lui (pour nous aussi, d’ailleurs). D’ailleurs, sur le swinguant "J’suis pas jaloux, j’m’en fous", Jérémie brocarde gentiment ceux auxquels on a coutume de le comparer: "l’indolent Delerm" et le "vieux, vieux, vieux Souchon". Ça ne l’empêche pas d’avoir quelques points communs avec l’auteur d’"Allô maman bobo". Même humour naïf et distancié, même regard à la fois poétique et débonnaire sur le monde, même façon enfantine de jouer avec la langue. Même qu’il fait plein de fautes de français exprès: "Je ai le blues quand elle ne est pas là" ou "allez viens vous asseoir / Il faut pas que vous te barres". Il a quel âge, cet enfant facétieux?
Kisling a aussi gardé de l’enfance un penchant pour les doudous. Le voilà qui file la métaphore de l’ours, mais pas l’ours qui mord façon grizzli, plutôt celui qui lèche du miel façon Winnie l’ourson ("Teddy Bear"). Ça souchonne un peu, et on pense aussi à Voulzy pour le côté "hamac et cœur grenadine". N’y voyez aucune condescendance. Elle fait du bien, en plein hiver, cette pop décontractée et sensible, menée par une voix gracile et féminine. Et puis il y a ce petit côté bestiaire assez original, car l’album est peuplé d’histoires d’animaux: le babouin encagé d’"Horizon grillé", le plantigrade et l’oiseau de "Le ours et la hirondelle", et surtout le chien d’aveugle du superbe "Je guide tes pas". Une ode touchante et catchy dédiée aux toutous des non-voyants, il fallait oser! "Au royaume des labradors, les aveugles sont rois", conclut Jérémie, tel un Lafontaine des temps modernes. S’il n’est pas, mais alors pas du tout Rastignac, le rastaquouère a un petit côté Don Juan vaudois lorsqu’il raconte ses histoires de dragueur du lac Léman ("T’es têtue toi", "Rendez-vous courtois"), chansons anecdotiques mais gaies et enjouées. Les violons sanglotent joliment sur "Alice", l’harmonica pleurniche un peu sur "Les étoiles" (tube mélancolique en puissance, les filles, laissez tomber Chris Martin), le piano chavire sur le contemplatif "Là où" et le langoureux "Petite nature". C’est joli comme tout. On ne sait pas trop s’il faut écouter ça en pyjama ou en chemise à jabots. On ne sait plus si on a huit ans ou trente ans, et c’est très bien comme ça. Comme on a été sage, on a droit à un second CD, composé de versions acoustiques du disque. Pour meubler entre les morceaux, Kisling imite un ours, un chien, un chat. Résumons: il est beau, il est sensible et il ne se prend pas au sérieux. Franchement, laissons tomber les virées londoniennes avec Pete Doherty, et filons à Lausanne, c’est là que ça se passe.

V

CD 1
Je guide tes pas
Le ours et la hirondelle
Teddy Bear
Les étoiles
J’suis plus jaloux, j’m’en fous
T’es têtue, toi
Là où
Alice
Rendez-vous courtois
Horizon grillé
Petite nature

CD 2 (Le ours mal léché)
Là où
Histoire de ours
Le ours et la hirondelle
Un solo de chien
Je guide tes pas
On va manger…
… Et on revient
Les étoiles
Poussière d’émotion
J’suis plus jaloux, j’m’en fous

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