ZIMBABWE LEGIT – Brothers From The Mother
(Glow In The Dark) – acheter ce disque
A la fin des années 80, Akim et Dumisani Ndlovu sont deux fans de hip hop perdus au fin fond du Zimbabwe. Tant bien que mal, avec les moyens du bord, ils tentent de dégoter les bons disques, d’écouter les bonnes radios et de se mettre eux-mêmes au rap. Mais l’Afrique Noire est bien loin de N.Y. ou de L.A., et pour eux, s’insérer dans le rap game n’est qu’un rêve lointain. C’est alors que le genre entre dans sa phase afrocentrique. Les deux frères se disent alors qu’ils ont peut-être un coup à jouer. Ils contactent plusieurs médias hip hop américains et se font remarquer par un journaliste de The Source, Dave Funkenklein, qui leur propose de se rendre aux Etats-Unis. La suite ressemble à un conte de fées. Les deux zimbabwéens rencontrent leur nouveau protecteur, celui-ci leur présente du beau monde, Mr. Lawnge de Black Sheep accepte de devenir leur producteur et ils dégotent un contrat chez Hollywood Basic, le label d’Organized Konfusion, Charizma et Peanut Butter Wolf, Boo Yaa T.R.I.B.E. et quelques autres. Mais à la fin, tout tombe à l’eau. Des problèmes de budget se posent, leur label ferme ses portes et pour finir, Dave Funkenklein est emporté par un cancer.
L’album enregistré par les deux Africains ne sortira donc pas à la date prévue en 1993. Ça n’est que cette année, en 2005, que Glow In The Dark (le label de Time Machine) décide de réparer l’injustice, avec note biographique et vidéo en bonus. Car entre-temps, ce disque est devenu un enjeu de fantasme. Mais le comble dans l’histoire, c’est que les frères Ndlovu n’y sont pour rien. « Brothers From The Mother » est un objet convoité car il comprend, en dixième plage, le premier enregistrement officiel d’un certain Josh Davis, à la veille de fonder Solesides, de sortir « In/Flux » et « Lost and Found » et de devenir le DJ Shadow que l’on sait. Inutile d’épiloguer sur ce titre, un « Shadow’s Legitimate Mix », sorti également en face B d’un maxi de Zimbabwe Legit qui s’est arraché à plusieurs centaines de dollars aux enchères et fut présenté aux masses sur la compilation « Headz 2 » de Mo’Wax en 1996. Il est bien, il annonce clairement les futurs instrumentaux du pape du hip hop instrumental, mais assons plutôt aux 10 autres titres et à Zimbabwe Legit.
Sur « Brothers From The Mother », Dumi Right et Akim ont joué à plein la carte africaine. Le nom du duo, celui du disque, l’accoutrement sur la pochette, l’essentiel des paroles (la mère patrie, l’esclavagisme, tout ça), les samples de chants ou d’instruments traditionnels, le sticker promotionnel de l’époque, quelques raps en Shona et en Ndebele, leurs langues natales, tout va dans cette direction, jusqu’à plus soif. Pour autant, le disque ne sonne pas si africain. Produit par des Américains, rappé par des Africains gavés de musique américaine, il a une coloration très familière, celle d’un disque pas si original, mais tout à fait solide dans le genre Native Tongues, et dont le morceau le plus saillant dans cet ensemble assez homogène est sans doute « Definitely African », un titre qui résume à lui seul tout le propos. Utilisé à tort et à travers pour la promotion, le titre de « lost classic » est exagéré, mais si par là on entend simplement « bon disque sorti des limbes », alors oui, « Brothers From The Mother » mérite ce jugement.
Quant aux frères Ndlovu, rien n’interdit de s’y intéresser encore, puisqu’ils poursuivent leur carrière sous le nom d’Of Unknown Origin, traînent avec Cadence de Raw Produce et viennent de sortir un album.
Sylvain Bertot
Basically Speaking
Straight from the Mothership
Cross-Examination
Definitely African
Rhymin’ Wit The African Symphony
To Bead or Not to Bead
Rock to the Drums
Doin’ Damage in My Native Language
Give up the Props
Shadow’s Legitimate Mix
More Damage