22-PISTEPIRKKO – Le Point Ephémère, Paris, Le 18 Octobre 2005
Quand les 22-Pistepirkko sont de passage à Paris, c’est toujours le même public d’habitués qui accourt, cette fois-ci entre les piliers en béton nu du Point Ephémère, quartier Stalingrad. Arriver un soir d’automne sur le quai de Valmy, plus Tardi que nature, pose déjà l’ambiance. On pousse la porte pour tomber sur Fruit Key, la première partie. C’est un folk juvénile, sautillant et assez décousu. Sympathique à défaut d’être franchement convaincant. On apprend que le chanteur américain au T-shirt rouge est un des membres de Clem Snide, et qu’il s’autorise là une petite échappée solo avec quelques musiciens français. Bon. L’heure est aux Finlandais. Asko (clavier, basse) arrive à pas feutrés, voûté et squelettique, une pomme à la main. Le visage dissimulé par une crinière de cheveux filasse, le voilà qui contemple son clavier de longues minutes, comme s’il reprenait une partie d’échecs abandonnée depuis plusieurs jours. Puis c’est au tour du chanteur, PK, sanglé dans un gilet et les cheveux ébouriffés. Un faux air de Johnny Rotten vieux, mais sans le rictus. PK ne sourit pas. Il ne salue pas non plus, d’ailleurs, et il laisse à son clavier le soin de s’adresser au public. Un peu ours mal léché, quoi. On allait oublier Espe, le batteur impeccable, vêtu d’un costume noir brodé façon cow-boy. Le concert commence doucement, par cette sorte de blues polaire que les Finlandais ont inventé et qu’ils sont les seuls à jouer. Les premiers morceaux doivent être ceux du dernier album qu’on n’a pas encore écouté, se dit-on, et ceux d’après aussi, ou alors on ne connaît pas aussi bien que ça la discographie des "22". Au fil des morceaux, le concert s’électrise de plus en plus et le public gigote un peu. Asko, qui ressemble à une vieille sorcière en transe (qu’y avait-t-il dans la pomme ?), fait des sauts de crapaud avant de rejoindre son synthé avec des airs de conspirateur. PK, toujours aussi mal embouché, lui jette des regards désapprobateurs de grand frère sérieux et entonne "Wild Billy", enfin un morceau qu’on reconnaît. Parfois, Espe, le batteur, quitte ses fûts et ses maracas pour pousser la chansonnette façon crooner de toundra. On est en plein Kaurismäki. Pourtant, on ne sait trop que penser, ce soir, de ce mélange de blues expérimental, d’électro-pop et de rock tordu. Sur album, on est séduit, mais ici, les longueurs de certaines chansons et le sabotage de quelques autres ("Just a Little Bit More" à la moulinette) rendent le concert bancal, et le groupe, insaisissable. C’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’on n’a pas réussi un seul cliché correct de la soirée. Mais là, c’est sans doute de notre faute.
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