BUCK 65 – Secret House Against The World
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Pour les amateurs de hip hop Leftfield, pour les puristes du abstract hip hop, le précédent album de Buck 65 ("Talkin’ Honky Blues") était décevant car il quitait les rives du hip hop pur et dur et laissait apparaitre d’autres styles musicaux. Avec ce nouvel opus le chouchou canadien risque de devenir un traître à la cause, le Trotsky d’une certaine idéologie hip hop. Pourtant, cet album est une réussite, la preuve d’une ouverture d’esprit et d’un talent incomparables qui ne suportent pas les frontières entre les genres ou les étiquettes.
Buck 65 fait la nique au conformisme et s’ouvre au monde (et au succès populaire on l’espère) sans rompre avec ses principes. Et c’est ça qui est impressionant, il a su se défaire du carcan et des passages obligés du hip hop sans en renier l’énergie ou la fluidité. Cet album fait preuve d’une classe aveuglante, d’un charisme incroyable, d’un charme complexe et méticuleusement travaillé. Après l’écoute de "Secret House Against The World", il est flagrant que "Talkin’ Honky Blues", aussi réussi soit-il, n’était qu’un premier pas, qu’une première étape dans une métamorphose musicale. Buck 65 continue son parcours et perfectionne son alchimie sonore. Au-delà du croisement génétique entre Hank Williams, Tom Waits et Boom Bip, il travaille en équilibre précaire et se lance dans des mélanges passionnants. Ça commence en beauté par un Rough House Blues qui pourrait venir en droite ligne de l’album précédent, puis ca évolue devant nos yeux (et oreilles) ébahis, par la très réussie Devil’s Eyes. Arrive ensuite Le 65isme morceau de bravoure, abscons lors de sa premiere écoute, qui se dévoile petit a petit et qui, sous des aspects rêches et rebutants, révèle des diamants de maîtrise et une production presque parfaite. Et ainsi de suite, l’album se dévoile, aventureux, moins hip hop, plus rock, plus folk, plus new wave, plus original. Les textes sont peut-être un chouïa moins bien écrits que par le passé mais le résultat est beaucoup plus sensuel et moins répétitif, tout en gardant des points de repères solides. Cet album montre la vraie personnalité d’un artiste rare, ouvert sur le monde, sans oeillères et particulierement doué dans l’art de la synthèse et de la découpe. Buck 65 est un artiste hors norme cherchant l’innovation sans pour autant renier la beauté gestuelle et musicale. Bien sûr, ça risque de ne pas plaire à tout le monde, mais je défie quiconque ayant pris le temps d’écouter ce disque de ne pas trouver au moins un titre à son goût.
Gildas Le Pallec
Rough House Blues
Devil’s Eyes
Le 65isme
The Suffering Machine
Surrender to Strangeness
Kennedy Killed the Hat
The Floor
Blood of a Young Wolf
Drunk Without Drinking
Blanc Bec
Corrugated tin Façade
Drawing Curtains
Devil’s Eyes