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Vic Godard – Interview


VIC GODARDA un journaliste qui, en 1982, lui faisait remarquer que sa carrière semblait enfin décoller, Vic Godard aurait répondu : « Ce n’est pas de ma faute. » Il aurait également déclaré un jour que l’échec l’intéressait plus que la réussite… De ce côté-là, il aura été servi. Son groupe Subway Sect, considéré à ses débuts comme l’un des grands espoirs du punk (même s’il annonçait dès 1976 ce qu’allait être le post-punk), ne réussira à sortir que deux 45-tours dans sa formation originelle. Godard, accompagné de divers musiciens, enchaînera ensuite les aventures improbables avec un sens très sûr du contre-pied stylistique, le sommet restant sa période « swing » de 82-84, sublime incongruité à l’ère de la pop synthétique à mèches décolorées. Au milieu des années 80, il jette l’éponge pour devenir facteur, ne revenant à la musique qu’en 1993, avec ce qui reste peut-être son meilleur album : « The End of the Surrey People », produit par son ami Edwyn Collins et paru sur le label Postcard, brièvement réactivé. Depuis, ce grand amateur de culture française a publié quelques albums pas forcément indispensables, mais toujours intéressants, sans prétendre à une quelconque gloire tardive. L’essentiel de sa discographie a également été réédité, permettant à la nouvelle génération de le découvrir. De quoi motiver une rencontre à Londres, dans un pub assez chic où Vic tournera au thé, pour évoquer à la fois le futur et le passé de cet éternel outsider, sans doute l’une des figures les plus atypiques et attachantes du rock anglais.

Il y a quelques mois est parue une anthologie de tes singles, de 1978 à aujourd’hui. La sortie de cette compilation semble avoir été plus remarquée que celle de ton dernier album, « Sansend », paru en 2002 sous le nom de ton ancien groupe, Subway Sect. Cela te chagrine ?
Ça pourrait mais non, pas vraiment. Je reste fier de mes anciennes chansons, j’aime toujours les jouer sur scène. J’ai mis deux ans et demi pour réaliser « Sansend », à raison de quatre heures par semaine… C’était très frustrant. J’étais vraiment soulagé quand nous y avons mis la touche finale, comme si on me libérait d’un poids. Mon prochain album, « Blackpool », sera un disque très différent, à l’ancienne, avec un groupe, sans ordinateurs. Un peu dans le style de « Images », un double album de David Bowie qui rassemblait ses morceaux de 1966-67, avant « Space Oddity ». Tu connais ce disque ? La pochette est un assemblage de petits dessins genre cartoon, et les chansons sont vraiment idiotes, avec un son assez démodé.

Il y en a une sur un nain, non ?
Oui, « The Laughing Gnome ». Mais ça doit être la pire sur la vingtaine de morceaux que compte le disque. Ils sont tous très fantaisistes, humoristiques. C’est le genre d’ambiance que je cherche à retrouver sur « Blackpool ». Il y a des instruments comme le banjo et des voix à l’ancienne, genre Chas and Dave. Il s’agit d’une comédie musicale dont la plupart des textes ont été écrits par Irvine Welsh (romancier auteur entre autres de « Trainspotting », ndlr), et les autres par moi. Elle a été représentée pendant deux semaines à Edimbourg, par les étudiants de l’école d’art dramatique. Ça n’a vraiment rien à voir avec « Sansend ».
Ensuite, je compte enregistrer un album avec le trio féminin Wet Dog, et jouer live avec eux. J’ai aussi un projet avec le producteur Mickey Foote, qui était actif pendant la période punk et avec qui j’ai travaillé à l’époque de Subway Sect. Ça fait un moment qu’on cherche à faire un disque ensemble. Ça risque donc d’être une sorte de « Sansend » n° 2… Mais sans ordinateurs cette fois. Dans le futur, j’aimerais aussi retravailler avec Irvine Welsh, mais il habite Dublin désormais et il est très occupé.

Sur « Sansend », tu utilisais des rythmiques hip-hop et de l’électronique. Tu t’intéresses à ce genre de musique ?
Oui, beaucoup. Ça remonte à 1992, quand j’ai fait un séjour au Japon. J’écoutais déjà beaucoup de soul, et pour moi le hip-hop en était un peu la continuation, avec ces grosses basses… De retour à Londres, j’ai cherché des radios qui passaient du rap et je me suis mis à en écouter beaucoup. Et aussi du dancehall. Il y avait de très bons producteurs dans la première moitié des années 90, comme Chaka Demus and Pliers, « Murder She Wrote »… J’aime aussi le rap indien, j’ai même chanté sur un album paru sur le label Creeping Bent il y a quelques années. En fait, ils prennent des instrumentaux de dancehall qu’ils mixent avec de la musique punjabi. Et ça se retrouve aussi dans le R&B américain, maintenant, ils rajoutent de la flûte indienne… Il y a une très bonne radio à Londres qui passe ce genre de musique, Club Asia (il note le nom sur mon calepin). J’écoute aussi des mixtapes sur Internet. J’essaie de suivre l’actualité, mais j’ai l’impression que ça devient de plus en plus spécialisé.

Dans quel genre de salles joues-tu actuellement ?
Surtout dans des « social clubs » à Londres, toutes les six semaines environ, et dans diverses petites salles. Depuis une dizaine d’années, je joue avec un excellent groupe, The Bitter Springs, mais ces derniers temps, ça devenait compliqué. Comme ils sont en train d’enregistrer un nouvel album, ils sont souvent à l’autre bout de la ville. En plus, ils finissaient par passer plus de temps sur mes chansons que sur les leurs et je risquais ainsi de les freiner. J’ai donc cherché de nouveaux musiciens et j’ai trouvé Wet Dog. Actuellement, c’est sans doute l’un des rares groupes en Grande-Bretagne qui cherche à faire quelque chose de nouveau. Elles ne sonnent vraiment pas comme les autres. La chanteuse a une voix… monastique, un peu comme Nico. Quand elle a commencé, elle était très influencée par Kate Bush et Björk. Pour ce qui est du public qui vient à mes concerts, c’est assez varié, mais je remarque que beaucoup de gens jouent dans des groupes.

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