WORLD’S END GIRLFRIEND – The Lie Lay Land
(Noble Records)
Repousser les limites auditives, décloisonner les genres, suturer le dissonant et le mélodique, explorer plusieurs directions esthétiques dans un même morceau, telles sont les règles de l’artiste japonais connu sous l’identité de World’s End Girlfriend depuis son premier album, "Farewell Kingdom", en 2001. On le savait habile à mixer electronica et rock progressif, néoclassique et post-rock crépusculaire, ce qu’il rappelle à l’occasion ici, ne serait-ce qu’en jouant sur une esthétique à la fois mélancolique et apocalyptique qui a fait les beaux jours de Godspeed You! Black Emperor ou de Magyar Posse. Mais, cette fois, dès le "morceau" d’ouverture de "The Lie Lay Land", avec son sax lâché dans la nature comme une bête sauvage dans un set de jazzmen free sous addiction chimique, on pressent que la barre a été placée encore un peu plus haut. Le morceau suivant, ballade vénéneuse montée en canon, ponctuée de rires d’enfant et de cris humains étouffés, de violon et de mandoline synthétique, calme vaguement le jeu avant le déferlement prog caractéristique (batterie en feu roulant, saturation et étirement des sons, embardées de violon et de sax) du troisième morceau, "Satan Veludo Children". En voilà assez pour la virtuosité et la brassage de styles. Le reste de cet album, à nouveau très long (le musicien renouvelle son habituel tour de piste de 80 minutes), prolongera le vertige : un peu partout, les mêmes instruments "traditionnels" (sax, violon, orgue, flûte, mandoline, guitare acoustique), les cut-up de voix, et les programmations ambient qui transforment chaque composition en chambre d’échos versatiles, s’enchevêtrent et se poursuivent selon des progressions tour à tour linéaires ou digressives. Entre mélodie crève-coeur et distorsion corrosive, l’effroi du beau s’insinue partout. Imaginez qu’un monteur fou mélange des plans de "Carrie" (grand-guignol baroque) et d’ "Amélie Poulain" (embardées mélodiques à la Tiersen) sous la houlette de Tim Burton (une drôle de poésie macabre), fusionnant les visages de Sissy Spacek et d’Audrey Tautou, transformant la grimace de l’ado criminelle en sourire mielleux, et la nunuche de la Butte en serial-killer, et vous aurez une petite idée du cinéma dans lequel vous entraîne ce disque aussi déconcertant que réussi.
David Larre
Phantasmagoria Moth Gate
We are the Massacre
Satan Veludo Children
Garden in the Ceiling
The Owl of Windward
Scorpio Circus
Song Cemetery
Give me Shadow, Put on my Crown
Black Hole Bird
Unspoiled Monster