DEVENDRA BANHART – Cripple Crow
(XL / Beggars) – acheter ce disque
Il le fait exprès, c’est sûr. Peut-être lassé d’être considéré au mieux comme le fer de lance d’un renouveau folk informe, au pire comme une vieille hippie honteuse, Devendra Banhart en rajoute, avec son nouvel album, une épaisse couche : 22 morceaux, 75 minutes de musique. Un peu comme Arnaud Desplechin se jura un temps de tourner un film plus parisien que parisien, qui se passerait dans un milieu d’étudiants entre le Luxembourg et le Sénat (je cite de mémoire les propos qui accompagnaient la sortie de Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)), notre barde (et déjà vieille barbe) nous offre là son disque le plus excessivement baba-cool, et là encore, les propos tenus à la presse n’arrangent rien : "On considère souvent que l’esprit des années 1960 a disparu avec les hippies, que l’idée de paix et d’amour appartient à l’idéologie hippie. C’est une aberration parce qu’elle est constitutive de l’être humain" (Le Monde, en date du 21 juillet).
Devendra, né bien après que ne retombe la vague du Flower Power, a donc décidé, puisqu’elle est éternelle, de s’y plonger tout entier. Ici, les morceaux – écrits à la guitare ou au piano – sont enrubannés de chœurs vaporeux et cools, de sitar, de tablas et de flûtes, et de glissandi de violons qui rappellent lointainement le Nick Drake de Five Leaves Left ("Cripple Crow", "Inaniel"). Les textes se veulent concernés tour à tour par l’état désastreux du monde en guerre ("Heard Somebody Say") ou par l’hédonisme le plus individualiste ("I Feel Just Like a Child"), les chansons batifolent entre exotisme cheap (une tripotée de morceaux en espagnol) et pure déconnade. Dans le genre, il est difficile de départager le crétin et hilarant "Chinese Children" de la parodie yéyé oblique de "Little Boys". Le bonhomme parie sans doute sur l’empathie de son public pour le suivre, ou alors il s’en fout complètement, on ne saurait dire : beaucoup de morceaux donnent franchement dans l’exercice de style, les textes font passer de l’agaçant à l’attachant, le disque joue sur une surexposition des défauts habituels (compositions brouillonnes, approximations vocales), mais ça prend, tout de suite comme sur la longueur. Ca prend parce qu’on sent le type suffisamment affranchi pour risquer à peu près tout et s’amuser d’un rien, parce que l’éclat de rire le dispute à la noirceur, parce que c’est à la fois douteux et déconnant, et qu’on aimerait finalement bien faire un peu la route avec l’olibrius. Peut-être pas jusqu’au Népal, mais tout de même.
David Larre
Now That I Know
Santa Maria De Feira
Heard Someboy Say
Long Haired Child
Lazy Butterfly
Quedate Luna
Queen Bee
I Feel Just Like a Child
Some People Ride the Wave
The Beatles
Dragonflys
Cripple Crow
Inaniel
Hey Mama Wolf
How’s About Tellin a Story
Chinese Children
Sawkill River
I Love That Man
Luna De Margarita
Korean Dogwood
Little Boys
Canela