THE GO-BETWEENS – Oceans Apart
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S’apprêter, en 2005, à écouter un nouvel album des Go-Betweens est de ces perspectives qui font jaillir à l’esprit une valse de sentiments contradictoires. C’est l’assurance tranquille de retrouvailles avec un groupe éternellement ami, d’un quota minimum de mélodies enchanteresses tout autant, inutile de le nier, que la crainte de se confronter à une somme d’images et de souvenirs qui ont tôt fait de susciter une nostalgie pas exactement confortable. A fortiori pour qui n’aurait goûté qu’en pointillés les deux derniers albums en date du groupe, "Friends of Rachel Worth" et "Bright Yellow, Bright Orange", non avares de beaux instants mais au parfum un peu incommodant de redite. Grande et belle est donc la surprise née de l’écoute de cet "Oceans Apart" qui, dès ses premières mesures, se place avec fracas dans le haut du panier de la discographie des Australiens. Côté pile : une plage 1 toute en rebuffades électriques, chanson coup de fouet papillonnant fébrilement autour de la notion de jet-lag et de l’affolement né de la traversée de villes étrangères – Robert Forster à son zénith. Côté face : une plage 2 en forme d’exact contraire, guitares acoustiques caressantes comme la mandoline de Peter Buck, mélodie magnifiquement douce-amère servant de socle à des atermoiements affectifs finement mis en mots – Grant McLennan à son apogée. Et le tour est joué, d’emblée. Car de ce diptyque "Here Comes The City" / "Finding You", exploitant mieux que jamais le contraste légendaire entre les personnalités des deux songwriters, naît un halo de grâce enveloppant l’album dans son intégralité. Peu importe ainsi qu’un tunnel de trois chansons assez anodines lui succède : pour le reste, de la sereine et extatique montée en puissance de "Darlinghurst Nights" au vrai-faux reggae quasi gainsbourien de "Lavender", c’est à une suite ininterrompue de petits chefs-d’oeuvre que l’on assiste, en même temps qu’au spectacle d’un groupe revitalisé, plus pertinent que jamais. Point culminant de ce drôle de périple musical prenant racine à Francfort et s’achevant dans les "montagnes entourant Dellray" (?),"The Statue", avec ses arrangements cotonneux et féeriques, est clairement de ces chansons vouées à hanter longuement ceux qui oseront frotter leurs yeux à sa beauté figée dans le marbre.
"Combiner la poésie de Patti Smith (par ailleurs piètre musicienne pop) et la musique des Monkees (par ailleurs piètres poètes)", proclamaient en substance les Go-Betweens au début de leur carrière en guise de profession de foi musicale. Loin de toute formule castratrice – aussi amusante fût-elle – et d’une routine à laquelle ils semblaient en partie assujettis, leur volonté aujourd’hui manifeste d’embrasser rien moins que les deux côtés de l’océan leur va merveilleusement au teint.
Julien Espaignet
Here Comes A City
Finding You
Born To A Family
No Reason To Cry
Boundary Rider
Darlinghurst Nights
Lavender
The Statue
This Night’s For You
The Mountains Near Dellray