En l’an 2000, la Route du Rock fêtait ses 10 ans et nous avions saisi ce prétexte pour nous entretenir longuement avec François Floret, président de Rock Tympans, l’association organisatrice, sur l’histoire du festival. Depuis, la vie de la Route du Rock a été particulièrement mouvementée, entre intempéries monstres et menaces diverses sur l’avenir du festival. Cela n’empêche pas l’équipe organisatrice d’être fidèle au poste et d’avoir ficelé pour cette quinzième édition une programmation aux petits oignons, alliant vieilles gloires toujours vertes (Cure, Sonic Youth, Wedding Present, Yo La Tengo) et jeunes pousses très tendance (Maxïmo Park, Metric, The Organ). Entre deux réunions, François a de nouveau trouvé le temps de faire un petit bilan de tout ça, à trois semaines du festival.
On s’était déjà parlé il y a cinq ans pour la dixième édition. Est-ce que tu pourrais nous résumer l’évolution de la Route du Rock depuis l’an 2000 ?
Pas mal d’eau a coulé sous les ponts, comme on dit. Comme pas mal de fois pendant l’histoire du festival, ça a été trash tous les ans pour réussir à remettre le couvert. On a bien bataillé, ça a été très difficile. 2001 a été une très bonne année à tous les niveaux, ça nous a permis de nous remotiver, parce que 2000 avait été difficile. En 2002, on a replongé, avec les intempéries épouvantables. Personnellement, j’ai cru que ce serait la dernière année, parce qu’on n’avait pas les moyens de prendre une assurance annulation. Si on avait annulé l’édition, on aurait été obligé de rembourser tout le monde et ça voulait dire à coup sûr déposer le bilan en fin d’année. 2003 a été une année moyenne, ni bonne ni mauvaise, plutôt moyenne-mauvaise. 2004 a été une très bonne année, avec une programmation riche artistiquement, un public plus nombreux, ce qui nous a permis de respirer au niveau financier et d’attaquer la quinzième plus sereinement. Sur toute la période 2000-2005, on a gagné une assise médiatique plus large. Là, je ne te parlais que des galères financières et climatiques, mais pendant toute cette période, on a existé et on a évolué au niveau médiatique. Et on a continué à présenter des affiches cohérentes qui apportent un plus sur la scène musicale. On n’a pas perdu notre temps, ça n’a pas été les montagnes russes. Le festival a gagné une reconnaissance internationale aussi. Pas mal de groupes qui sont venus jouer chez nous ont causé… Shadow par exemple a parlé de nous à des groupes californiens qui nous l’ont dit et il n’est plus rare qu’on soit mentionné dans des medias étrangers comme Pitchfork par exemple.
Tu as évoqué les problèmes financiers de la Route du Rock… Je sais qu’il avait été question à un moment que la mairie de St-Malo se désengage du financement du festival…
Oui, ça c’était en 2002. Oui, tu fais bien d’en parler, j’avais omis cette petite parenthèse délicate. La mairie m’a convoqué un jour. Cela faisait un moment qu’on ne s’était pas parlé, j’y suis allé naïvement en pensant qu’on allait faire un point pour savoir où on en était de notre partenariat. Et là, douche froide, le maire m’a reçu en m’annonçant qu’il avait des arbitrages financiers à faire et qu’il avait décidé de retirer progressivement le financement de la commune à la Route du Rock. Il m’a tout de même précisé que, contrairement à d’autres élus, lui était pour un désengagement progressif par tranche de 20 000 euros, et ça a commencé dès l’édition 2002. Evidemment, nous ne sommes pas restés les bras croisés, la presse en a parlé, avec un soutien très fort de la presse locale et un relais de la presse nationale. Parallèlement, on a eu l’heureuse surprise d’être invité à déjeuner par Jean-Jacques Aillagon, à l’époque ministre de la Culture. On y est allé avec nos amis des Vieilles Charrues, des Transmusicales, des Interceltiques,… Aillagon voulait prendre le pouls des festivals bretons, qui sont un peu la référence en France, au moment des problèmes avec les intermittents. A un moment, j’ai pris la parole pour dire qu’on était flatté d’être reçu à déjeuner par un ministre et d’avoir une sorte de reconnaissance nationale, mais qu’au niveau local, paradoxalement, on avait peu de soutien et que la mairie avait décidé de se désengager. Et en face du ministre, il y avait la directrice des Affaires culturelles de la région Bretagne qui opinait du chef en disant qu’elle suivait ça de très près, et Aillagon a dit qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire, sachant que le maire était député et qu’ils se croisaient à l’Assemblée. Tout cela fait que quelques mois plus tard, avant l’édition 2003, on a appris que la mairie stoppait le retrait, et donc on est à un niveau de subventions qui est resté constant depuis 2002. On a perdu 20 000 euros mais on a stoppé l’hémorragie. Après il y a eu d’autres soucis, notamment avec des riverains, qui ont monté une association qui s’appelle l’ADCIM. Ca vaut vraiment le coup d’aller voir leur site… Ce sont des gens qui sont contre tout. En 2003, ils voulaient nous interdire la plage. Là encore, j’ai repris mon bâton de pèlerin et je suis allé voir le maire, qui subissait la pression de cette association qui regroupe tout de même 700 personnes d’Intra-Muros qui votent comme il faut, donc forcément il fallait qu’il les écoute. Moi j’avais comme arguments que ça se passait toujours bien et qu’il n’y avait jamais eu de soucis. Et en face, il avait, je pense, des faux rapports de police avec des conneries. Des gens qui soi-disant auraient fait l’amour sur la plage, qui se seraient piqués sur la plage. Des trucs aberrants, des clichés. Je lui ai demandé les yeux dans les yeux s’il voyait vraiment un couple faire l’amour sur la plage en plein après-midi. Il sentait lui-même qu’il y avait de l’exagération. Il avait carrément décidé de nous interdire la plage, et il est revenu sur cette décision, en nous disant qu’il nous laissait le faire en 2004, mais que si ça se passait mal, ce serait la dernière fois. Je n’avais pas trop d’inquiétudes par rapport à ça, et 2004 a été un moment magique avec le concert de Nouvelle Vague qui a fait beaucoup parler de lui. Tout s’est très bien passé, les CRS ont même fait des rapports très positifs, pas trop quand même parce qu’il ne faut pas exagérer. Et là où c’est énorme, c’est que la fameuse association qui aime bien balancer quelques articles au vitriol dans la presse a cette fois repris le succès à son compte en disant que si ça avait été aussi réussi, c’était grâce à elle et à ses mises en garde ! Bon, dans l’histoire, on a quand même dû changer de plage. La plage de l’Eventail est moins ancrée intra-muros que la plage de Bon Secours.
Depuis trois ans, le festival a donc une excroissance intra-muros avec le palais du Grand Large et la plage. La première année, les intempéries avaient un peu tout gâché, mais depuis, vous avez trouvé votre rythme de croisière avec ces deux nouvelles scènes ?
Oui, après une année faussée en 2002. En 2003, il n’y avait encore que des DJs. En 2004, on est passé à la vitesse supérieure avec le live de Nouvelle Vague. Et quel live, avec Camille qui est partie jouer de l’harmonica dans l’eau en plein milieu d’une chanson et qui revenue toute mouillée, c’était vraiment extra. En 2005, on veut enfoncer le clou, avec Marsen Jules, un Allemand qui fait de l’electronica ambient et qui sera accompagné d’un violoncelliste, d’un pianiste et d’un contrebassiste. Les musiciens vont jouer et lui va les intégrer dans son ordinateur et retravailler ce qu’ils jouent en direct. Ca risque d’être une rencontre assez intéressante entre l’électronique et le bois. Ca sera accompagné d’un DJ set de Thomas Morr, qui pour la petite histoire nous a envoyé un mail pour nous demander si on pouvait l’inviter à la Route du Rock et s’il pouvait mixer, et on lui a répondu « sans problème ! ». les autres concerts, ce sera Christopher O’Riley, qui jouera le samedi et le dimanche. C’est un pianiste classique, je précise bien, ce n’est pas quelqu’un qui a l’habitude de faire des festivals de rock. Quand on lui a proposé de jouer sur la plage, ça l’a intéressé et c’est lui qui nous a proposé de jouer deux jours. Donc il y aura un piano à queue sur la plage, ça va être terrible.