Miracle ! Après une course en taxi aussi vaine qu’effrenée, après plusieurs heures d’une attente flottante noyée dans l’angoisse de ne pas la voir aboutir, après s’être fait plus d’une fois gentiment igorer par le peu expansif Bill Callahan camouflé derrière ses lunettes noires, après des pressions répétées sur la personne de son tour manager, porte-parole au sens propre de son artiste, la rencontre a lieu. Finalement. Dans une arrière salle de la Maroquinerie, Bill Callahan nous attend, l’œil sombre et inquiet, assis sur un canapé. Et il nous parle finalement. Lentement, certes, mais sûrement.
Vous n’êtes pas connu comme quelqu’un de très bavard. Est-ce que vous pensez que cette opinion est justifiée ou est-ce seulement parce que vous n’aimez pas les interviews ?
Mhh. Parfois je le suis, parfois je ne le suis pas. Ca dépend. Dans les interviews, faute de temps, on essaie de dire des choses avec le moins de mots possible. Parfois ça fait peur aux gens qui posent les questions parce que la réponse ne dure pas dix minutes. Mais je pense que je peux dire des choses intéressantes, avec peu de mots. Et parfois aussi je n’ai pas de réponses aux questions qu’on me pose.
Vous semblez avoir atteint une certaine forme de sérénité avec les deux derniers albums, sur le plan musical au moins. Etes-vous d’accord avec cette façon de voir ?
La musique que je faisais dans le passé était plus violente… Ce nouveau disque est vraiment différent de tout ce que j’ai pu faire auparavant… C’est comme un nouveau commencement pour moi… Il y a plus de guitare pincée.
Les tout premiers mots sur « A River Ain’t too Much to Love » sont « Winter Wheather is not My Soul ». Est-ce que vous pensez qu’un certain nombre de gens qui écoutent votre musique se trompent lorsqu’ils la voient comme une musique sombre et déprimée ?
Mhh… Oui, sans doute… J’imagine que c’est une sorte de malentendu.
Etes-vous très sensible au retour que vous pouvez avoir sur votre musique de la part des gens, en concert notamment ? Est-ce que le fait d’entendre des gens réagir peut influencer sur votre prestation ?
C’est différent chaque soir. Le public a une énergie qui peut être négative ou positive. Parfois neutre aussi.
Et vous préférez être seul sur scène ou avec un groupe ?
C’est plus amusant avec un groupe. On partage quelque chose.
Parmi les gens qui vous ont accompagné en tournée, il n’y a que Jim White, à la batterie, qui soit resté plusieurs années de suite. Il y a une raison particulière ?
Mhh… C’est juste que j’aime beaucoup ce qu’il fait. On est de bons amis. C’est bien de l’avoir à ses côtés sur la route. Il prend les choses très sérieusement. Il essaie toujours de s’améliorer. Chaque soir il fait en sorte que ce soit mieux que le précédent. Il est très inspirant. C’est très bien pour moi de jouer avec lui.
Qu’est-ce que ça vous a fait d’enregistrer votre album dans un studio aussi mythique que le Pedernales Studio (qui a entre autres accueilli beaucoup d’enregistrements de Willie Nelson -ndlr), est-ce que c’était un rêve pour vous ?
(Sourire) J’entends toujours parler de ça. Disons que je me suis retrouvé là-bas, au Texas… C’était plus cher que ce que je m’accorde d’habitude. Mais, j’ai pensé que je méritais bien ça. Mais je ne pense pas que le lieu affecte la musique.
Est-ce que vous pensez que des gens peuvent être touchés par votre musique sans en comprendre du tout les paroles ?
Des gens qui ne parlent pas anglais ? Je ne sais pas. Mhh. Peut-être…
Par ailleurs, est-ce que vous pensez qu’on peut réellement comprendre vos paroles ou seulement ce qui s’en dégage ?
Vous voulez dire des gens qui parlent anglais ? (Sourire) J’essaie de… Disons que je parle anglais. Je tâche d’être aussi explicite que possible en anglais. Et on peut espérer que des gens dont la langue maternelle est l’anglais pourront comprendre. Mais chaque personne a différentes interprétations pour une même chanson.
Quand vous faites allusion à la nature, à la famille, ou à ce genre de choses, dans vos paroles, est-ce dans le but de s’inscrire dans un songwriting folk traditionnel ?
Je n’essaie pas de faire traditionnel, que ce soit pour les paroles ou la musique. Mais j’imagine que la « tradition » est quelque chose qui a de l’importance pour mon groupe et moi, et que ça régit un peu la façon dont je compose.