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Disques

Mark Stewart – Kiss the Future

MARK STEWART – Kiss The Future
(Soul Jazz / Discograph) – acheter ce disque

MARK STEWART - Kiss The FutureNe pas se fier à son nom fort commun : Mark Stewart est sans doute l’un des musiciens britanniques les plus inclassables, déroutants et novateurs de ces trente dernières années. L’un des plus confidentiels, aussi, malgré les louanges de ses pairs, de Sonic Youth à Bowie. Mais on pourra difficilement mettre en cause dans son cas l’incompétence de ses labels successifs ou la surdité du public : de ses débuts post-punk à ses derniers albums solo, notre homme n’a guère dévié d’une ligne farouchement expérimentale et anticommerciale. La compilation "Kiss the Future", que publie l’indispensable label anglais Soul Jazz, résume assez fidèlement ce parcours accidenté. Un recueil un peu chiche (douze titres seulement), mais des plus précieux dans la mesure où les œuvres de Stewart n’encombrent pas vraiment les linéaires des grandes surfaces culturelles.

Comme beaucoup de ses collègues, Mark Stewart a commencé à jouer de la musique à peine sorti de l’adolescence, dans le sillage du mouvement punk. Mouvement qui va vite marquer le pas, mais dont les enseignements libérateurs – en gros, n’importe qui peut monter un groupe – ne seront pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Le rock anglais va alors connaître l’une des plus belles effervescences de sa jeune histoire, et The Pop Group, la formation de Stewart, en sera l’un des plus aventureux fleurons – son nom est évidemment d’une provocante ironie. Remettant en cause les trois accords réglementaires, le groupe de Bristol mêlera durant ses trois années d’existence punk, funk, free jazz et musiques ethniques, exprimant à travers ce mélange une conscience politique des plus fermes héritée du marxisme et des situationnistes, partagée par leurs contemporains Gang of Four, This Heat, ou le Scritti Politi des débuts. Vivien Goldman, journaliste et proche du groupe, dira d’eux : "The Pop Group était obsédé par l’idée de tout faire d’une façon nouvelle" ("The Pop Group had this obsession with finding a new way of doing everything", cité par Simon Reynolds dans son indispensable ouvrage sur le post-punk, "Rip It Up and Start Again", chez Faber and Faber).

"Kiss the Future" reprend trois morceaux extraits de leur maigre discographie (deux albums studio et deux recueils de singles et raretés), peut-être leurs plus marquants : "She’s Beyond Good And Evil" (produit par Dennis Bovell, personnage essentiel du reggae anglais, qui travailla également avec The Slits, Orange Juice ou Linton Kwesi Johnson), "We Are All Prostitutes" et "We Are Time". Toujours à la limite de l’arythmie et de la cacophonie, ces boules de nerfs restent parmi les meilleurs témoignages d’une scène et d’une époque passionnantes, dont tous les groupes en "The" du moment ne sont qu’une pâle photocopie – même si, convenons-en, leurs chansons sont souvent plus accrocheuses.

Tandis que les ex-Pop Group se lancent dans d’autres projets (dont les cultes Rip Rig + Panic, avec la débutante Neneh Cherry), Stewart démarre en 1983 une carrière solo qui va lui permettre de pousser encore plus loin son goût des mélanges et de l’expérimentation tous azimuts, annonçant avec quelques années d’avance les disques les plus tordus de Massive Attack ou Tricky, autres Bristoliens. Des éclats de dub, d’électronique, de heavy metal, de hip-hop, de musique industrielle et de sons d’archives sont passés à la moulinette et recollés, les bidouillages en studio se substituant à l’approche spontanéiste du Pop Group. Des invités de marque vont et viennent au gré des albums et singles : Adrian Sherwood, grand manitou d’On-U Sound, des musiciens de Sugarhill Gang et Grandmaster Flash – sous le nom de The Maffia -, William Burroughs (à travers des samples de sa voix), The Last Poets, Mos Def, et même George Clinton et James Brown (selon sa bio).

Si quelques morceaux plus accessibles, comme "Hysteria", "Liberty City" ou "Dream Kitchen", permettent ici d’alléger la sauce, ces collages s’avèrent le plus souvent chaotiques et dissonants, la voix aussi caressante que du papier de verre, à l’unisson de constats politiques toujours sans concession, nourris de révolte et de paranoïa. En 1997, l’Américain Mike Ladd, au style et aux préoccupations pas tellement éloignés de celles de Stewart, sortait son premier album, l’important "Easy Listening 4 Armageddon". Précédé du préfixe "un", ce titre aurait été parfait pour la présente compilation.

Vincent Arquillière

Radio Freedom
Hypnotised
She’s Beyond Good And Evil
Puppet Master
Hysteria
Jerusalem
We Are All Prostitutes
High Ideals And Crazy Dreams
Liberty City
Dream Kitchen
We Are Time
The Lunatics Are Taking Over The Asylum

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