THEE MORE SHALLOWS – More Deep Cuts
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Thee More Shallows est un groupe de San Francisco composé de Chavo Fraser, Jason Gonzales et Dee Kesler, épaulés par le coproducteur et "consigliere" Tadas Kisielius et divers musiciens d’appoint. "More Deep Cuts" est leur deuxième album, mais on serait bien en peine de vous parler du premier, "A History of Sport Fishing" (2002), que le magazine londonien "Time Out" situait entre Neil Young (ce qui est déjà vaste) et Mogwai. La tâche n’est pas forcément plus facile avec celui-ci : non qu’il soit mauvais, bien au contraire, mais parce qu’il fait partie de ces disques qu’on ne sait trop par quel bout prendre. Une analyse de ses signes extérieurs n’est guère éclairante : nom de groupe sibyllin et archaïsant ("thee" est une forme ancienne de "you" complément d’objet), contredit par le titre de l’album ("shallow"/"deep") ; titre lui-même polysémique ("cut" signifiant à la fois "coupure" et "plage d’un disque », entre autres) ; titres de chansons laconiques et pareillement curieux ; pochette artisanale montrant un chien cerné par les feuillages. Et débrouillez-vous avec ça.
A l’écoute, c’est tout aussi étrange et inclassable, même si l’on peut tenter quelques rapprochements avec d’autres francs-tireurs de la sphère indépendante : Flotation Toy Warning pour l’ambition et la finesse des arrangements, Arcade Fire pour l’utilisation des cordes et les structures peu conventionnelles, ou Grandaddy pour le son ouaté et le tempo faussement léthargique. Si vous aimez ces groupes, il est peu probable que vous détestiez Thee More Shallows, même si, au fond, le faux trio et vrai collectif – à moins que ce ne soit l’inverse – ne sonne comme aucun des trois. La voix de Dee Kesler, dans son économie d’effets, évoque, elle, à la fois Ira Kaplan (Yo La Tengo), Mark Linkous (Sparklehorse), Jonathan Donahue (Mercury Rev) quand il arrête de se prendre pour un oiseau, et E (Eels) dans ses moments les moins tourmentés. Un murmure qui part parfois dans des aigus fragiles ou se teinte d’une angoisse sourde, et qui semble flotter au-dessus de la musique.
Exemptes de toute lourdeur, se distinguant par leur sens du détail et leur grâce d’équilibriste, les chansons excellent à marier l’aérien et le terrien, voire le souterrain. On trouve ici du violon, du cor, de la scie musicale, du piano jouet, des choeurs célestes, mais aussi des rythmiques implacables à la Arab Strap ("Freshman Thesis") ou des guitares menaçantes qui s’acharnent sur un pauvre accord ("Cloisterphobia"), contrastant avec l’electro évanescente de "Post-present" ou le folk délicat de "Cold Dis". Dans ce disque qui s’écoute comme une suite ponctuée d’intermèdes instrumentaux, les TMS s’attachent moins à tisser des mélodies mémorables (c’est le seul petit reproche qu’on pourrait leur faire) qu’à créer des ambiances, souvent mystérieuses et tendues, parfois presque gothiques, mais sans l’attirail habituel. Un univers riche et troublant résumé en quarante petites minutes, comme on fait rentrer un bateau dans une bouteille : foisonnant bric-à-brac, "More Deep Cuts" laisse à penser que les Thee More Shallows sont loin d’avoir tout dit, chanté, joué. Vivement le suivant.
Vincent Arquillière
Post-present
Pre-present
Freshman Thesis
-Int-
Ave Grave
Cold Dis
Cloisterphobia
2 am
-Int-
Walk of Shame
Ask Me about John Stross
House Break