FISHERSPOONER – Odyssey
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Avec la sortie du nouveau Fisherspooner, il y a au moins deux catégories de public qui se mobilisent : les fans incorrigibles, à l’affût du moindre "buzz" (visuel et médiatique) que le groupe laisse savamment transpirer, et les sceptiques aigris, qui n’attendent que le moment où le soufflé va enfin retomber une fois pour toutes, de façon lamentable. Et les deux ont raison : le premier album, musicalement assez maigre, était construit pratiquement autour d’un seul single, "Emerge", et sa réputation avait explosé à l’aide d’une exemplaire manœuvre de bouche à oreille. Emergeant dans un pareil contexte, Odyssey risque de décevoir les deux camps. C’est vrai qu’il a l’air moins original que "#1" qui faisait, avec son électro amère-pétillante, l’effet d’une boisson tonique, comme celle qui fait "Schhhh… !". Mais c’est tout aussi vrai que les arômes sont devenues plus riches, il y a plus de saveur et d’arrière-goût, ce qui risque de surprendre les râleurs. Le seul problème c’est qu’au lieu de se limiter à la présentation graphique, toujours impeccable, les deux anciens étudiants en arts tiennent absolument à délivrer, sur la pochette du CD et dans la promo, tout un discours explicatif sur les pourquoi et les comment de la nouvelle mouture: le son "rock FM", les Beatles, Pink Floyd et leurs mille autres influences rock. Si on lit tout ça avant d’écouter, le début risque de paraître bien timide et on a du mal à retrouver l’insolence d’il y a 3 ans. Dans la course du strass et de la pyrotechnie, les Scissor Sisters sont déjà en tête, avec encore plus d’éclat et de Pink Floyd décalé, si c’est possible, même s’ils jouent plutôt avec la lettre qu’avec l’esprit du mythe. Du coup, on dirait qu’"Odyssey" ne commence à vraiment décoller que sur le dérangeant "’We Need A War", dont l’inspiration et les paroles viennent de… Susan Sontag en personne ! Et, peu à peu, on comprend que ce qui s’est perdu côté provocation s’est enrichi côté substance. "Odyssey" est non seulement fait de vrais morceaux pop-rock, avec une production chatoyante ("Wednesday"), il parvient aussi par instants à dégager une certaine poésie ("Ritz 107" ou "All We Are") et à confirmer une "vraie" personnalité ("Get Confused"). Mais de quoi parle-t-on quand on décrit la personnalité d’un groupe ? Qui est vraiment Fisherspooner : l’ado hystérique de ‘#1’ ou l’adulte ironique d’"Odyssey" ? On a envie de dire que c’est seulement maintenant qu’ils sont devenus eux-mêmes, et pourtant il y a un développement naturel qui mène des rythmes secs et insolents de "L.A. Song" (sur "#1") à l’énergie plus disciplinée de "We Need A War". En tout cas, après plusieurs écoutes, on est pris d’un léger vertige, et c’est un signe que la boisson sucrée n’est pas pasteurisée, qu’elle a fini par fermenter et devenir addictive. Le Fisherspooner nouveau est arrivé, allez le déguster !
Gabriel Marian
Just Let Go
Cloud
Never Win
A Kick In The Teeth
Everything To Gain
We Need A War
Get Confused
Wednesday
Happy
Ritz 107
All We Are