LORNA – Static Patterns And Souvenirs
(Words on Music) [site]
Difficile de suivre la trace de Lorna. Après un CD hors commerce, puis un premier album qui en était la version rallongée, This Time, Each Year, paru sur un obscur label espagnol en 2003 et aux Etats-Unis l’année suivante, voilà qu’en débarque un nouveau toujours très joliment emballé, qui sort cette fois-ci chez les Américains de Words on Music. Curieux pour un groupe de Nottingham… Comme une tournée française de quarante dates n’est vraisemblablement pas à l’ordre du jour, il y a fort à craindre que la popularité de Lorna reste chez nous proche de zéro – et c’est bien dommage.
On ne va pas pour autant prétendre que “ Static Patterns and Souvenirs ” est un chef-d’œuvre absolu qui bouleverse notre vision de la musique, mais on connaît pas mal de groupes bien moins doués qui bénéficient d’une exposition médiatique nettement plus grande. Pour se convaincre du talent (ou plutôt des talents : de chanteurs, de mélodistes, d’arrangeurs) de ces Anglais au profil bas, collègues d’Echoboy, Spiritualized et Coastal, il suffit d’analyser le premier morceau du disque. Le titre, d’abord, “ Understanding Heavy Metal Parts I and II ”, qui joue du contre-pied stylistique comme Biff Bang Pow ! naguère avec leur “ Acid House Album ” sans un poil d’électronique. Ca commence par une brève boucle de guitare en feedback à la My Bloody Valentine, puis débarque une guitare acoustique très Sarah Records, discrètement accompagnée par un banjo. Encore quelques secondes et une voix masculine se pose en douceur sur ce canevas, à la façon de Neil Halstead (Slowdive, Mojave 3) ; un chant de sirène la rejoint bientôt. Suit un passage instrumental où le banjo se retrouve au premier plan, avant que n’arrive une trompette aérienne tout droit sortie du troisième album des Apartments, puis un harmonica ni folk ni blues, qui nous emmène jusqu’à la “ Part II ” : retour de la trompette, glockenspiel, notes tenues pour l’effet planant et motifs electronica (“ bleeps ”, pour aller vite). A la façon d’un contre-rejet en poésie, le morceau se termine avec la batterie de la deuxième plage ; d’ailleurs, la plupart des titres s’enchaînent ainsi.
C’est assez fastidieux à décrire, j’en conviens, mais la chanson, elle, ne sent jamais l’effort : tout s’harmonise à merveille, la musique respire malgré l’accumulation de couches successives. Idem pour “ The Last Mosquito Fight of Summer ” (encore un chouette titre), avec sa batterie jouée aux balais, syncopée et mixée très en avant, ses guitares légèrement “ twangy ”, ses voix mêlées de toute beauté, son Theremin et ses orchestrations d’un goût très sûr – on pourrait croire que Dave Fridmann est aux manettes, l’emphase en moins. Dommage que les morceaux les plus dépouillés, d’une lenteur souvent excessive (il faut pas moins de onze secondes aux deux chanteurs pour prononcer les deux syllabes de “ Homerun ”…), s’avèrent languides ou simplement banals. De ce point de vue, l’album précédent, aux influences “ alternative country ” un peu moins marquées, était plus équilibré. L’ensemble, baigné par une confortable mélancolie, reste néanmoins d’une excellente tenue : espérons que cette délicatesse, en porte-à-faux à peu près total avec le son qui domine en ce moment outre-Manche, pourra se faire entendre autant qu’elle le mérite.
Vincent Arquillière
Understanding Heavy Metal Parts I and II
Homerun
The Last Mosquito Fight of Summer
Remarkable Things
Swans
The Swimmer
Be Forever
Snow Song
Will You Still Love Me Yesterday ?
He Dreams of Spaceships
Illuminations