PAULINE CROZE – Pauline Croze
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J’avais beaucoup aimé la chanson de Pauline Croze sur la compilation CQFD 2004. "Larmes" ça s’appelait. Je me rappelle que la sincérité du texte et la chaleur incantatoire de la voix tranchaient avec les popsongs mélancoliques convenues, Strokeseries de circonstance et pseudo rap rigolo chic dans l’air du temps dont ladite compilation regorgeait. Pauline ne jouait manifestement pas dans la même cour. Moins poseuse, moins fumiste, la chanteuse proposait un angle d’écriture différent.
Il y a quelques mois, Joseph Ghosn des Inrockuptibles s’est fendu d’une intéressante chronique croisée sur les derniers disques en date des nouveaux chantres de la folkmusic d’outre-atlantique, Animal Collective et Devendra Banhart. Un passage dudit article m’a particulièrement marqué : interrogé à propos de l’oeuvre de son poulain Banhart, Micheal Gira, patron du label Young God, avouait voir en lui "le seul artiste contemporain dénué de toute ironie postmoderne". Si je suis toujours incapable d’entrevoir la vraie finalité de la démarche de DB, j’ai, en revanche, l’intime conviction qu’on tient en la personne de Pauline Croze une merveilleuse candidate au club très fermé des artistes véritablement spontanés.
Je n’avais, a priori, aucune raison d’aimer ce disque : ce n’est pas ce que j’écoute habituellement et la candeur un peu écorchée des textes est un genre qu’en temps normal je ne goûte que très peu, étant plutôt partisan d’un écriture sophistiquée et distanciée. Et pourtant, la magie opère, l’envoûtement est total. Pauline est indubitablement douée d’un talent de conteuse dont la féminité à fleur de peau a le pouvoir de désarmer les cynismes les plus coriaces. Car, malgré le profond désir – potentiellement casse-gueule – de se raconter ("Mise à nu") ou de revendiquer ("Jeunesse affamée", "M’en voulez-vous"), Pauline réussit à ne pas se vautrer dans les travers d’un discours convenu du genre "soeurs opprimées, levez la tête, vous êtes plus fortes que cette horrible société machiste veut bien vous le faire croire" propre à énerver le critique évidemment blasé. Le registre de Croze, c’est la vérité des sentiments les plus emportés, la réalité des transports sensibles les plus intimes. Quel monstre d’insensibilité ne serait pas capable de se retrouver dans ce langage dénué d’artifice ? En outre, la collaboration avec l’ex-Valentins Edith Fambuena est une vraie réussite : les arrangements sont précis, riches sans jamais être chichiteux et donnent l’impression que les deux femmes ont parfaitement compris la démarche artistique de l’autre.
Ce premier album est plein d’une poésie brûlante, profondément vivante et magnifiée par un sens rare du rythme qui rappelle, à certains égards, l’univers musical et idéel de Neneh Cherry et des Luscious Jackson. Sacrée filiation.
Refau
Mise à nu
Dans la chaleur des nuits de pleine lune
M’en voulez-vous ?
Jeunesse affamée
T’es beau
Quand je suis ivre
Je suis floue
Je ferai sans
Larmes
Tita
Femme fossile
Mal assis