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Concerts

Arcade Fire – White Session, Maison de la Radio, Paris, le 9 mars 2005

THE ARCADE FIRE – White Session, Maison De La Radio, Paris, Le 9 Mars 2005

On savait les Canadiens précédés par leur réputation… Quelle surprise cependant que de découvrir en ce mercredi après-midi une Maison de la Radio encerclée par un cordon de CRS ! Le malentendu dissipé (les flics sont là pour une manif anti-Bush) on pénètre dans le studio 106, antre bis du maître des lieux Bernard Lenoir, pour y découvrir les coulisses d’une White Session exceptionnellement ouverte au public.

Un concert mémorable… J’avais bien accroché à l’écoute de l’album, mais il faut bien avouer que le pressage CD ne rend pas tout à fait justice au groupe tant la complexité des compositions se développe magnifiquement en live : certaines chansons gagnent clairement à se développer sur quelques dizaines de secondes supplémentaires, les percussions et le violon se détachent mieux, les voix aussi. Ce n’est pas toujours le cas est pour le coup c’est tant mieux !

Car c’est une vraie expérience scénique à laquelle on prend part – on n’en attendait pas moins dans cet auditorium Sacha Guitry. Les dramaturges du jour investissent la scène… On reconnaît sur les vestes de Win et Richard un rappel à l’artwork de "Funeral", ce motif baroque mi-paisley mi-plume réminiscent des thématiques larmoyantes mais aériennes de leurs compositions.
Plus dans le registre du vaudeville, on note tout d’abord que le groupe se livre à un jeu de chaises musicales permanent, comme on avait pu le voir notamment avec le Beta Band dans ces mêmes murs : Richard, William et Régine virevoltent en permanence entre guitare, violon, violoncelle, percus, xylophones, piano à queue, batterie…
Plus anecdotique, entre deux jongles de baguettes, Richard chausse furtivement son casque de moto rouge pour percuter du front une cymbale déglinguée, certainement customisée au chalumeau ou à la scie à métaux… Ça fait un peu gimmick pour journaliste en manque de sensation dohertienne, mais ça produit son effet puisque le scribouillard assis devant moi griffonne "casque rouge" sur son bloc-notes… Richard Parry c’est un peu le Looping de la bande, un grand rouquin maigre au look de Bill Gates à l’époque du MS-DOS, capable de poses de guitar-hero à la Pete Townshend comme d’un aller-retour tête de linotte entre le piano et les percus pour aller exhumer le mélodica (très fashionable en ce moment) malencontreusement oublié.
Au détour d’un morceau, le très habité Win Butler inverse sa Fender cordes contre son ventre, caressant le dos de l’instrument d’un geste maternel, comme il aurait caressé la tête d’un nouveau-né porteur d’un espoir réincarné.
Régine Chassagne troque aussi volontiers son accordéon contre la batterie le temps de deux chansons, accompagnant l’accord répété de Richard au piano en lâchant de façon synchrone des grands coups de pédale dans la grosse caisse (et non l’inverse) puis en giflant les cymbales avec une rage que ne laisse pas augurer sa carrure de Minipouss déguisé en chaperon rouge (ou l’inverse).

Côté chansons, la magie opère, les morceaux s’étirent en plusieurs actes, l’adjectif épique est effectivement souvent bien mérité. Notamment concernant "Power Out" et "Rebellion" (qu’un Bernard Lenoir visiblement tout émoustillé n’a pu s’empêcher de diffuser en loucedé le soir même)… la ligne de basse diabolique de "Power Out" ainsi qu’une guitare sautillante façon The Edge (oups), accompagne à merveille la progression du morceau. Morceau de résistance de l’album, et certainement un des favoris live puisque Win Butler prend les devants en demandant si le public est autorisé à se mettre debout avant même de commencer la chanson. Le public ne se met pas – encore – debout mais apprécie car les têtes s’agitent en rythme dans l’assistance.
La référence à U2 n’est pas fortuite : on a à 2-3 reprises la fugace impression d’entendre du Bono période "Joshua Tree", notamment pendant l’intro de "Rebellion"… pour en avoir le coeur net je réécoute certains passages de l’album en rentrant chez moi et c’est flagrant, notamment sur l’outtro de "Une année sans lumière", où on a la sensation d’entendre l’intro de "Where the Streets Have No Name", avec les arpèges échoïsés en vague de The Edge… la chanson de Arcade Fire commence d’ailleurs par la ligne "The streetlights all burnt out", on est dans la même ambiance…

Régine Chassagne emprunte le micro sur une ou deux chansons, notamment sur le morceau de rappel, "In The Back Seat", qui porte en l’occurrence bien mal son nom puisque le public s’est levé en espérant mieux taper du pied… pour mieux hocher de la tête sur un très émouvant et cinématique rendu de la chanson, les voix masculines venant l’épauler pour un final presque a capella du plus bel effet.
Un aspect important du concert que ces voix masculines, pas particulièrement impressionnantes par leur qualité mais plutôt par l’utilisation variée des techniques, phrasé saccadé ou plus coulé, crié/chanté à 1m du micro, ooohhs aaahs …

De quoi créer un univers assez intéressant, un peu déroutant parfois, tantôt symphonique perché façon Boo Radleys, tantôt bien graisseux comme un bon vieux Sonic Youth, et souvent bien les deux à la fois, la petite touch accordéon en plus…

En bref, un joli épisode musical au 106.

François Robert

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