BONNIE PRINCE BILLY & MATT SWEENEY – Superwolf
(Drag City / Domino)
Will Oldham se voit adresser parfois un certain nombre de reproches plus ou moins légitimes. Au nombre de ceux-ci, une certaine forme de complaisance monotone dans un répertoire trop bien rôdé (le dernier disque en date, il est vrai, est une série de reprises de ses propres compositions antérieures) n’est probablement pas le moins fondé, et c’est d’ailleurs le plus récurrent. Depuis longtemps, Bonnie "Prince" Billy fait du Bonnie "Prince" Billy : c’est toujours bien, mais sans grande surprise.
Avec cet album, les détracteurs devront trouver d’autres arguments. On retrouve bien dans "Superwolf" la super patte de Will Oldham, son goût pour l’épure mélancolique, de beaux textes écrits en noir, une voix douce, pleine d’émotion, qui a fait bien du chemin depuis les premiers albums de Palace, gagnant en assurance et en justesse. Mais la nouvelle donne ici, du moins par rapport aux sorties de ces dernières années, c’est l’électricité, diffuse mais presque systématique. Et Matt Sweeney (ami de longue date et collaborateur régulier de Will Oldham) qui s’est chargé de la musique, y est évidemment pour beaucoup. Elle n’est certes pas la première attraction du disque et intervient la plupart du temps comme un soutien efficace à la voix, cadrant et complétant le chemin parcouru par celle-ci, par des envolées tranquilles, qu’on oserait à peine nommer solos. Elle peut pourtant exploser ponctuellement, comme sur "Goat and Ram", où on est assez loin des compositions folk intimistes de "Master and Everyone". Mais les arrangements, s’ils sont plus étoffés qu’à l’accoutumée, sont loin d’être envahissants. Tout juste libèrent-ils plus d’espace à des arpèges de guitare électrique sur "Bed Is For Sleeping", pour s’effacer aussitôt sur la chanson suivante, la très belle "Only Someone Running", éminemment acoustique, dans la pure tradition de ce qu’on connaît de notre homme. A l’image de ce dernier titre, le ton de l’album entier est d’ailleurs lui aussi assez proche de ce qu’on pouvait espérer. Même s’il est moins ténébreux et surtout moins désespérant que "I See A Darkness", référence dans le genre s’il en est, "Superwolf" n’en est pas moins un disque grave, où les chansons puisent leur force dans une capacité à communiquer une certaine forme de pessimisme, parfois de tristesse, tout simplement. Sombre illustration de cet état de fait, "Lift Us Up" compte parmi ces titres à la mélodie poignante, destructrice, persistante tout à la fois et est sans doute le plus marquant du disque. Et si l’album s’ouvre par une chanson très belle et évolutive, en forme d’invitation poétique, presque légère, il se clôt sur un morceau loin d’être enjoué, qui s’accorde d’ailleurs à merveille avec la pochette de l’album, superbe et terrible.
Jean-Charles Dufeu
My Home Is The Sea
A Beast For Thee
What Are You?
Goat and Ram
Lift Us Up
Rudy Foolish
Bed is For Sleeping
Only Someone Running
Death in The Sea
Blood Embrace
I Gave You