PHILIPPE POIRIER – Qu’est-ce qui m’a pris
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Il y a des disques qui énervent, qui agacent, qui font tiquer. Et pourtant, certains de ces albums sont bons, incontestablement. Ce qui les rend encore plus énervants. C’est le cas avec le second album de Philippe Poirier, guitariste-saxophoniste de Kat Onoma. Comme son comparse Rodolphe Burger, le chanteur du groupe, Philippe Poirier énonce des textes énigmatiques sur un ton distancié, assez froid et très affecté. Son phrasé singulier rappelle un peu Bashung, et se parodie, parfois, comme sur "La riviera". Les textes, aussi, agacent. "La carte postale", écrite à l’origine pour Dani, est originale, mais "Qu’est-ce qui m’a pris", répétitif et creux, exaspère. Sur le reste de l’album, on pense aux écrivains du moment, à Olivier Cadiot, à Régis Jauffret, à Houellebecq, à leur écriture clinique et abstraite, tellement dépassionnée que leur sens nous échappe. Ajoutez la participation de Dominique A, au chant sur "Gouvernance", et la présence de musiciens berlinois branchés (Stefan Schneider de To Rococo Rot, et les membres de Tarwater), et on frôle l’ulcère : toute l’intelligentsia rock réunie sur un album intello et difficile d’accès, sérieux et barbant, c’en est trop ! Pourtant, l’album est bon. L’habillage électro planant des Berlinois, allié aux sons chauds de "vrais" instruments (contrebasse, saxo alto, trompette), confère aux mélodies de Poirier une élégance sobre et contemporaine, arty juste ce qu’il faut. La voix prend la pose, pas la musique. "Gouvernance", en dépit du chant aigrelet de Dominique A, distille une atmosphère mystérieuse, élégante et lointaine. La lenteur hypnotique de "Je songe" se marie à merveille avec le chant parlé presque absent de Poirier : "tu me parles depuis quand, je ne sais plus, je t’écoute, tu m’enivres et je songe". Les samples jazzy et la trompette sur "206 os carrés" tissent une ambiance cinématographique de polar américain. Grâce à des compositions variées et, finalement, assez accrocheuses, l’album évite ainsi le piège de la répétition. Conclusion : on tient cet album comme Poirier tient la "carte postale" de sa chanson, en la retournant dans tous les sens, perplexe. La carte postale est belle mais ses "bords crénelés piquant le bout des doigts" irritent. Alors on songe…
V
La carte postale
La riviera
Gouvernance
Le grand filtre
Je songe
206 os carrés
Les murs blancs
A bords perdus
Qu’est-ce qui m’a pris
Le cénotaphe
Où nous étions
Le lac