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Concerts

Sigur Rós et Hrafnagaldurs Performers – Paris, Grande Halle de la Villette, 29 septembre 2004

SIGUR RÓS ET HRAFNAGALDURS PERFORMERS – Paris, Grande Halle de la Villette, 29 septembre 2004.

"Odin’s Raven Magic", pièce composée en 2002 par Sigur Rós et le compositeur Hilmar Örn Hilmarsson, a été proposée à Paris (dans le cadre de Villette numérique) comme l’événement phare du lancement d’une quinzaine culturelle autour du thème "Islande de glace et de feu". Les mauvais esprits (dont je suis) n’ont pu s’empêcher alors de penser : "quitte à entériner les clichés, pourquoi ne pas ressusciter l’esprit des sagas islandaises, pendant qu’on y est". C’est exactement cela dont il s’agit : "Odin’s Raven Magic" est une sorte d’opéra (avec chœurs et récitant) adapté d’un poème de l’ancienne tradition Edda, écrit à la fin du Moyen Age, qui relate l’arrivée des signes avant-coureurs de l’apocalypse au banquet des dieux de la Valhalla. Simplement, il ne s’agit pas là de dépoussiérage scolaire, ni sans doute de resucée de mystique païenne, mais plutôt d’une belle et aventureuse création contemporaine qui a conquis un public très recueilli puis enthousiaste.
La conception d’ensemble avait de quoi faire frémir tant elle reposait sur l’agencement casse-gueule des contraires : un orchestre classique complet (Lauréats du Conservatoire National de Paris), un chœur mixte (Schola Cantorum de Reykjavik), un récitant à la voix d’imprécateur, un groupe rock impossible à cerner s’amusant sur un énorme joujou fait pour la circonstance (un marimba de pierre de 54 pièces), quelques ordinateurs, une équipe de vidéastes (Hrafnagaldurs Performers)… et vogue la galère sous la baguette du chef Arni Hardarson. Ma foi, le navire a plutôt vogué sans encombre sur les eaux noires d’un orage grondant, tension électrisant souterrainement l’ensemble de l’œuvre. Sur l’écran, en fond de scène, l’ombre stylisée du corbeau d’Odin planant au-dessus de poteaux électriques est là pour souligner la menace.
Les mouvements du poème symphonique mettent en place progressivement l’ensemble des protagonistes : des glissandi de cordes perturbés par les zébrures (à l’archet) de la guitare de Jon, l’élévation du chœur (dans des interventions qui tiennent l’équilibre entre le grégorien et le contemporain), les récitatifs, les percussions du groupe croisant et décroisant les motifs répétitifs, les trilles haut perchées de Jon, puis tous ensemble dans une succession d’acmés et d’accalmies déroutante. Longtemps, et malgré quelques ruptures de ton et des parties de percussions pas toujours inventives, les volumes sonores s’équilibrent, l’électrique ne parasite qu’affectueusement l’acoustique, les voix continuent de percer, jusqu’à un final puissant, orchestré en cataclysme, les guitares saturant de rouge l’espace de la Grande Halle, écrasant l’orchestre et (un peu) le chœur, avant de retomber dans le silence, simplement animé par le bruit parasite d’un ordinateur. Manière de dire qu’il restera bien un écran allumé quand tout sera pulvérisé ? C’est sûr, cela a bien un petit goût d’apocalypse, mais la puissance tellurique de l’œuvre en compense plutôt la noirceur.

David

PS : le concert devrait paraître en CD et en DVD.

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