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Disques

Sun Kil Moon – Ghosts of the Great Highway

SUN KIL MOON – Ghosts of the Great Highway
(Jetset records) -[site]

SUN KIL MOON - Ghosts of the Great HighwayIl n’y a pas vraiment de mystère : Sun Kil Moon n’est autre que les Red House Painters, qui eux-mêmes ne sont que l’émanation du seul maître à bord, Mark Kozelek. Si cette vogue des fluctuations de patronymes (dont Will Bonnie Palace Billy est le meilleur représentant) peut sembler gratuitement énigmatique (je fais exception pour les cas de force majeure comme Anthrax !), elle révèle surtout de la part de leurs auteurs une volonté d’ouvrir des perspectives différentes sur une musique qui, vue d’un peu loin, peut sembler figée et monolithique. Pour Mark Kozelek, ce changement d’état-civil doit contribuer à déblayer de tenaces malentendus. On entend encore souvent parler à propos des Red House painters de "slowcore" (un mot que j’exècre, soit dit en passant) de musique neurasthénique, ou encore du "son de san Francisco". C’est méconnaître le parcours de Kozelek qui depuis 1992 propose une musique certes dense et intense, mais qui n’a cessé d’élargir son spectre de couleurs et de développer sa palette instrumentale. Depuis "Ocean Beach" et "Songs for a Blue Guitar", Kozelek occupe un territoire musical beaucoup plus riche et diversifié que les pochettes des disques ne le laissent supposer. Au carrefour d’un nombre impressionnant de styles (folk, cold-wave, pop délicate, country, classic rock, musique orchestrale, psychédélisme, prog rock voire hard rock), la musique de Kozelek développe paradoxalement une identité extrêmement forte et cohérente, immédiatement reconnaissable. Pour en venir à Sun Kil Moon, l’évolution par rapport au précédent Red House Painters, "Old Ramon", est sensible : certes, pas de changement radical non plus, juste un approfondissement et une exploration de quelques pistes jusqu’ici non exploitées. Parmi les éléments de continuité, des morceaux tels que l’introductif "Glenn Tipton" (du nom d’un guitariste de Judas Priest) ou "Floating" sont très proches de l’aspect le plus folk et acoustique des Red House painters ou des reprises d’AC/DC commises par Kozelek en solo. Un peu plus inhabituels sont "Si Paloma" (merci pour elle), un instrumental quasi-mariachi, le dynamique "Pancho Villa", presque exultant, ou encore l’électricité tendue et pesante de "Salvador Sanchez" (Neil Young rencontre Black Sabbath). La première vraie surprise provient de "Duk Koo Kim" : sur cette ballade ultra-lente et hypnotique (donc typique du bonhomme), pointe un final inattendu, aérien et flottant comme un croisement idéal entre Jim O’Rourke et Robert Wyatt. La plus grosse surprise s’appelle "Lily and parrots", le morceau le plus pop enregistré par Kozelek jusqu’ici, pièce d’anthologie qui ne dépareillerait pas dans la discographie récente de Guided by Voices… Sous l’appellation néo-coréenne de Sun Kil Moon, Kozelek a réalisé là son oeuvre la plus variée et la plus aboutie. Bien sûr la tristesse est encore une fidèle compagne ("Carry me Ohio", ode à une amie disparue), mais les brumes se sont lentement dissipées pour laisser voir quelques reliefs que l’on ne pouvait soupçonner. Comme on est heureux de voir ses amis gagner en harmonie et trouver leur point d’équilibre longtemps espéré, ce disque nous rend heureux de voir ce drôle de type atteindre une sorte de Graal. Une musique qui n’a pas la prétention d’être novatrice ou fondatrice mais qui n’est réductible à aucune catégorisation musicale précise. Dépositaire du vaste legs des musiques des 30 dernières années (ghosts of the great highway ?) mais immensément personnelle. Ce n’est pas tous les jours que je le dis – donc j’en profite : Kozelek est un maître.

Laurent

Glenn Tipton
Carry Me Ohio
Salvador Sanchez
Last Tide
Floating
Gentle Moon
Lily and Parrots
Duk Koo Kim
Si, Paloma
Pancho Villa

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