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Minor Majority – Interview

Après Royksöpp, les Kings of Convenience, Sondre Lerche et Jaga Jazzist, Minor Majority est la dernière petite merveille en provenance de Norvège, pays décidément béni des Muses. Son troisième album, « Up for You & I » (les deux précédents n’ont pas été distribués en France) pourrait presque passer pour l’œuvre d’un excellent groupe américain à la redécouverte de ses racines, héritier de Townes Van Zandt, Fred Neil et Gram Parsons. A l’instar de Français comme The Blasco Ballroom ou Santa Cruz, le groupe ne donne pas pour autant dans l’imitation et s’il se soucie peu de modernité, il ne cherche pas à nous persuader à tout prix qu’il a grandi sur un cheval dans les Rocheuses ou les Appalaches. D’ailleurs, les magnifiques chansons de Minor Majority ne sont pas sans rappeler par moments les Tindersticks (en plus sobre) ou Michael J. Sheehy (en moins sombre).

Rencontre avec le chanteur et le guitariste du groupe à l’occasion d’un bref passage à Paris (avec arrêt par la Guinguette pirate) : des gens d’une modestie et d’une gentillesse toutes scandinaves, ravis de parler de la scène musicale norvégienne, iceberg dont nous ne connaissons apparemment que la partie émergée.

MINOR MAJORITY

Depuis quand Minor Majority existe-t-il ?
Pal Angelskar, chanteur-guitariste : Depuis quatre ans, mais au départ c’était juste un projet de studio avec deux personnes, moi-même, qui écris les chansons, et un producteur, Andreas Berczelly. Nous avons fait le premier album comme ça. Puis Jon est venu jouer de la guitare sur un morceau et comme ça fonctionnait bien, il s’est joint à nous pour le deuxième album. Ca restait très dépouillé, « low-key ». Pour ce troisième album, nous voulions étoffer le son, avoir un vrai groupe, même si certaines chansons rappellent ce que nous faisions avant. Nous avons donc recruté des musiciens supplémentaires, et désormais nous sommes cinq en tout.

Ce nouvel album est donc différent des précédents ?
Oui, car nous avons vraiment travaillé comme un groupe cette fois-ci. C’est beaucoup plus complexe que quand on n’est que deux, et que les décisions sont vite prises. Mais c’est aussi beaucoup plus intéressant et enrichissant.

Avez-vous du succès en Norvège ?
Ce nouvel album a été dans les meilleures ventes dès sa sortie. Nous sommes sur un petit label, ce qui signifie qu’à part le distributeur, il n’y a pas d’intermédiaire. Donc, pas besoin de vendre tant d’exemplaires que ça pour pouvoir en vivre, d’autant que nos disques ne coûtent pas très cher à produire. Disons qu’avec 10 000 ventes en Norvège, plus les tournées et les passages radio, on peut s’en sortir financièrement. Ce ne serait pas le cas sur une major : les coûts de production sont si élevés qu’il faut vendre vraiment beaucoup de disques pour être rentable. En attendant, les musiciens doivent avoir un autre boulot à côté, du genre travailler dans un bar.

Vous chantez en anglais. C’est naturel pour vous ?
Ce serait dur d’intéresser les Français, ou les habitants de n’importe quel autre pays, à notre musique si nous chantions en norvégien, c’est sûr. Et puis, nous baignons dans la langue anglaise dès notre plus jeune âge : nous l’apprenons très tôt à l’école, les films ne sont pas doublés à la télé… La plupart des groupes norvégiens chantent en anglais parce que la plupart des Norvégiens le parlent couramment !

Quelle est la situation de la scène indépendante en Norvège ?
Jon Arild Stieng, guitariste : Elle prend de plus en plus d’importance. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais depuis environ cinq ans, il y a un intérêt croissant du public et des médias pour des groupes comme nous. On se sent soutenu, les Norvégiens sont fiers de la qualité et de la singularité des groupes locaux. Le public est plus ouvert, réceptif aux nouveaux groupes originaux. C’est plus facile de toucher les gens.
Pal : Il n’y a qu’à voir comment l’équivalent norvégien des Grammys (ou de nos Victoires de la musique, ndlr) a évolué. Il y a cinq ou six ans, il était impensable qu’un groupe indé puisse être nominé. Depuis deux ans, il n’y a quasiment plus que ça ! Les majors n’ont pas fait leur boulot, elles n’ont pas saisi les changements dans les goûts du public et ont continué à sortir les disques d’artistes qui ne l’intéressaient plus. Et les bons groupes que ces majors avaient signés n’ont pas trop marché car ils ne faisaient pas partie des priorités pour la promo… Dans ce contexte, les labels indépendants ont pris leur place, en sortant de bons disques. Et il y a de plus en plus de groupes norvégiens qui marchent bien à l’étranger, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon ou même en France. C’est vraiment une bonne période pour le rock et la culture populaire norvégienne en général, il y a un vrai boom et un intérêt croissant de la presse.

Quels sont les groupes norvégiens les plus intéressants, selon vous ?
Ensemble : Thomas Dybdahl, International Tussler Society, qui est un side-project country & western des membres de Motorpsycho, Cato Salsa Experience, qui tournent aux Etats-Unis et au Japon, Ephemera, un très bon groupe pop dont le disque sortira peut-être en France, Saint Thomas, qui chante comme Neil Young et que vous connaissez déjà… Depuis quelques années, nous avons aussi du rap, le plus souvent en norvégien, donc ça ne peut pas trop s’exporter.

Diriez-vous de vos chansons qu’elles sont tristes ?
Pal : Elles sont certainement mélancoliques, mais pas vraiment tristes selon moi. Certaines sont même plutôt positives (uplifting). J’essaie juste d’être honnête. Elles peuvent être très personnelles, introspectives, mais en même temps, je crois qu’elles peuvent toucher tout le monde, pas uniquement les gens portés sur la mélancolie. J’essaie de faire en sorte que chacun puisse se reconnaître dans ce que je chante. J’écris sur des petites situations décisives du quotidien, qui ont à voir avec le sentiment amoureux : les rencontres, les ruptures, le manque, et les effets que ça peut produire sur quelqu’un.
J’aimerais beaucoup écrire des chansons gaies. Mais généralement, l’inspiration ne vient pas dans les moments de bonheur, plutôt quand on se penche sur soi-même, qu’on remet certaines choses en question. Mes chansons sont souvent des réflexions sur des situations que je n’ai pas su analyser sur le coup.

Tu ne voudrais pas écrire sur des « grands » sujets ?
Y a-t-il plus grand sujet que celui-là ? (rires) Ce sont des choses très universelles. Si je voulais écrire sur la politique, je devrais aborder un problème particulier pour toucher tel ou tel ensemble de personnes. Ce n’est pas ce qui nous intéresse.

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