FESTIVAL- DANS LA SERIE DES INAPERCUS…
Huitième édition du désormais célèbre festival dénicheur de nouveaux talents. Comme toujours l’affiche est prometteuse et, comme toujours, les avis a posteriori sont contrastés. Retour sur les 4 jours et 12 concerts d’un festival pas comme les autres.
Une soirée au Glaz’art ça se mérite. Il faut d’abord traverser Paris et rester bloqué entre deux stations de métro suite à une coupure de courant. Il faut ensuite supporter le joueur de flûte de pan qui profite de cet arrêt momentané du service pour réviser ses classiques, de "Yesterday" à la musique de borsalino en passant par "And My Heart Will Go On" et plein d’autres petites perles. Il faut enfin jouer les toreadors au milieu du trafic des voitures qui barrent la route entre le métro et le mythique bloc orange. Mais tout ceci n’est rien, la récompense est souvent à la hauteur.
Mardi 3 février
Pour une soirée d’ouverture, la programmation est la plus contrastée qu’on puisse imaginer. De l’electronica enfantine et érudite, un trio martial et sombre comme les matins blêmes de l’hiver 1980, un entertainer azimuté qui fait carillonner sa guitare sur fond de groove et d’images de petits robots. Le genre de casting improbable qui demande des trésors d’imagination au chroniqueur… : comment marier la carpe et le lapin ?
Dans le rôle du lapin, tout doux et vulnérable, Margo fait parfaitement l’affaire. Un court-métrage d’animation assez réussi, d’inspiration burtonienne, montre d’ailleurs en introduction ce qu’il arrive aux enfants dont le lapin en peluche a été ensorcelé par un méchant sorcier… A peu près ce qui pourrait arriver à la dentelle musicale de Margo, joli entrelacs de bleeps et de guitare, lorsque le groupe semble sur le point de sortir de la route en cour de set : terminaisons saturées ou en expérimentations plus déstructurées et sombres. Mais on ne sait quelle pudeur ou quel souci très pop de recaler le morceau sur ses rails viennent atténuer tous les effets de violence possible : la chanteuse et le guitariste rentrent parfois vite dans le rang. Dommage, car ces longues boucles rêveuses laissent affleurer des moments de grâce réels (boîte à musique, ralentis, bruitages) que quelques soupçons de cauchemar pourraient encore épicer.
Dans le rôle des chasseurs du lapin, Un Homme et une Femme Project, est assez convaincant aussi : la batterie tonne, les guitares s’entrelacent furieusement, voilà des jeunes gens sombres et en colère comme on rencontrait partout sur les scènes d’Europe après la mort de Ian Curtis. Simplement, vingt ans après, on se dit que ce genre de groupes a toujours mieux marché avec une bonne basse et un chanteur charismatique, ce qui manque par trop ici. Quelques problèmes techniques en plus (une batterie à vous rendre sourd, un retour défectueux, un micro trop faible), des textes à la Dominique A un peu prévisibles, et le set s’enlise… Dommage !
Enfin, dans le rôle du trublion (ou de la carpe), que la présence de robots en goguette (et surfeurs !) semble particulièrement réjouir dans cette histoire convenue de chasseurs et de lapins, l’inénarrable Thierry Los se pose là. Ce qu’on voit sur scène ressemble à une vaste pochade censée permettre à tout un chacun de gigoter et de battre des mains. Malheureusement, musicalement, la surf musique revisitée à la sauce guitar hero du garçon peine à convaincre.
Mercredi 4 février
Arrivée à 20h40, c’est-à-dire juste à temps pour ne pas rater l’entrée en scène d’Arnaud Fleurent-Didier. Et son concert est à la hauteur de nos attentes. Drôle, fin et étonnamment charismatique l’auteur du fabuleux "Portrait du Jeune Homme en Artiste" nous livre, seul au piano, un condensé de son album . Le public se délecte, entre autres, avec jubilation d’un "Rock critique" un peu chaotique mais hilarant puis l’émotion atteint son paroxysme sur une version fragile mais bouleversante de "L’emploi du temps". En rappel, on a même droit à un inédit. Satisfaits et définitivement convaincus du talent du monsieur, on gardera comme souvenirs de cette soirée l’image et les mots d’un jeune homme éloquent, ironiquement cabot et surtout très engagé dans sa musique. Ce type est de la trempe des glorieux aînés qui ont fait les beaux jours de Bobino et de l’Olympia.
Les trois membres de Rhesus prennent les planches un gros quart d’heure après le départ d’AFD. Energique et sombre, leur musique sied très bien au live. Aurélien, chanteur/guitariste au T-shirt d’Adam Green, a une forte présence scénique et les morceaux s’enchaînent à merveille. Très pro, le trio livre une pop-rock tourmentée directement héritée de Sonic youth, Radiohead et Nada Surf. Leur très attendu "Your Smile Is A Commercial Food" se fait encore plus urgent et électrique sur scène ce qui n’est pas pour déplaire au public déjà très acquis à la cause des grenoblois. Un bon concert donc qui laisse présager des lendemains heureux et plein de succès pour les lauréats du concours CQFD 2004.
Nos plus sincères excuses au groupe Exsonvaldes, programmé ce même soir, qu’aucun de nos envoyés spéciaux n’a pu voir.
Jeudi 5 février
Ce soir donc, soirée belge, trois groupes pas vraiment inconnus mais rares sur les scènes françaises.
C’est le quatuor énervé des Hollywood Porn Stars qui ouvre le bal. Il doit y avoir une tradition bien ancrée de la pop-noise tarabiscotée en Belgique et les HPS en sont issus. Si leur premier mini LP peine à convaincre au delà d’un hochement de tête, sur scène leur mélange prend une tout autre dimension. Chez HPS la frange se porte longue et sur les yeux, la basse longue et sur la hanche et les guitares acérées et véhémentes. Après quelques-uns des titres du mini LP, les inédits déboulent. Les pogoteurs du premier rang hésitent entre les Pixies et Compulsion. La basse vrombit, saccade et rebondit pendant que les guitares scient en chœur. C’est bien les groupes qui hurlent des fois. John Peel devrait adorer.
En dehors des concerts ce qu’il y a de bien au Glaz’art c’est le choix de petits vins sympa au bar et les écrans qui permettent de suivre la présentation des groupes et les concerts depuis des fauteuils moelleux et accueillants. C’est d’ailleurs de ces fauteuils, en sirotant un gentil vin basque que je vois débouler sur scène Hank Harry et les six membres du Lovely Cowboy Orchestra. Le chanteur est une sorte de James Belushi période Blues Brothers rouquin, il gesticule comme une diva, un mix improbable de Céline Dion et de Justin Timberlake avec des rouflaquettes et 50 kilos en plus. Tout à côté de lui je reconnais la charmante Aurélie Muller (des excellents Melon Galia). Ce qui est sûr c’est que chez Hank Harry on ne se prend pas au sérieux, ce qui est sûr également, c’est que le show est bien rodé et que les fans ont fait le déplacement. Au fil des chansons on passe avec allégresse de la pop au rock puis au ska mélangé à du bel canto. Un joli bordel tenu à bout de bras par des guitaristes un brin bavards et un chanteur/performer qui envahit la salle. Le public est ravi et en redemande, mais le groupe quitte la scène sur une joli ballade acoustique chantée par Aurélie. Ils seront au printemps de Bourges. Youpi.
Un verre de blanc plus tard, les fans de Hank Harry désertent la salle ravis et laissent la place à Zop Hopop. Avec 3 albums à son compteur et des incursions sur scène avec Dominique A, Sacha Toorop n’est pas à vrai dire un inconnu. Mais il se fait rare et c’est toujours un plaisir de le revoir. Sur scène le noir est fait. Quatre bougies brûlent, l’ambiance est calme et recueillie. Tout cela contraste avec la grandiloquence du set précédent, mais le public ne s’ennuie pas bien au contraire. Toujours enthousiastes les fans de Hank Harry reviennent et manifestent leur approbation à chaque début de chanson. L’univers de Sacha Toorop est assez dur à cerner. Le set débute par un instrumental lent, mené par un accordéon discret, puis arrive une chanson pop folk sur fond de gazouillis d’oiseaux, avant que n’enchaîne un pseudo tube reggae/disco. Complètement insaisissable Zop Hopop mène sa barque de ballades en chansons jusqu’à ce que l’heure du dernier métro me force à quitter la salle en courant. Parfois, au Glaz’art j’ai l’impression d’être cendrillon. je dois courir et rater le baiser du prince sous peine de voir mon métro se transformer en citrouille.
Vendredi 6 février
"Finalement, ça ne doit pas être si facile de digérer ses influences et de trouver son propre son". C’est à peu près ce qu’on se disait en quittant le Glaz’art vendredi soir. Une façon pas trop blessante (on l’espère) d’excuser le manque d’originalité des trois groupes qui s’étaient succédés sur scène. Entendons-nous bien, ces groupes sont jeunes, ils ont encore tout à prouver. En plus, on a horreur de jouer aux blasés condescendants. Mais bon. Qui a déjà écouté Noir Désir et Louise Attaque aurait eu la même sensation de déjà vu que nous, ce vendredi-là.
La preuve avec Histoire de…, les premiers à monter sur scène. Le groupe joue un "rock français" enlevé, avec des textes néo-réalistes un peu protestataires. Il y a une violoncelliste pour les notes aiguës du refrain. On pense à Louise Attaque, irrémédiablement. Si ce n’était que ça… Car on pense aussi à tous ces groupes d’aujourd’hui qui imitent la bande à Gaétan. Tous ces groupes qui font sautiller leurs copains du lycée ou de la fac avec des paroles un peu énervées et des bouts de violons. Histoire de… pourra-t-il sortir de cette référence ? Rendez-vous dans dix ans. En attendant, le premier rang a vraiment aimé.
Poc prend la suite. "Des poésies sur fond de rock" annonce le prospectus de présentation. Poésie, rock, tout de suite les grands mots ! Là encore, le groupe est loin d’être ridicule. Les chansons sont portées par des mélodies plutôt accrocheuses, qui rappellent tantôt Noir Désir (encore !), tantôt Garbage. Mais rien qui ne rappelle Poc. Le groupe semble chercher son identité et les paroles d’adolescent tourmenté ne lui sont pas de bon secours : "Je prends la premier train, direction : fatalité" ou "Je regrette parfois que le whisky que j’avale ne brûle pas plus que ça". Allez, Poc, vous pouvez faire mieux que ça.
Choisi pour clore la soirée, Deportivo s’en sort avec bien plus de panache. Le trio joue plus simple, plus nerveux, plus humble. Certes, la voix du chanteur semble hésiter d’un morceau à l’autre entre Gaétan de Louise Attaque et Julian Casablancas des Strokes. Certes, certains tics et stéréotypes pointent encore le bout de leur nez dans les textes et l’armature des morceaux. Mais il y a de l’espièglerie chez le chanteur et de la fougue chez ces trois-là. Un certain charisme, même. Ils osent lâcher la bride. Le public s’en rend bien compte. On applaudit, on attend le rappel. Ah non, c’est vrai, ce n’est pas leur concert, c’est juste le dernier groupe.
Grands vainqueurs de cette édition : Margo, Rhesus, Arnaud Fleurent-Didier et Hank Harry. A l’an prochain pour de nouvelles découvertes
Refau, Vincent Noyoux et David.
Merci à Pascal, Marino, le Glaz’Art.
Liens vers les sites des groupes :
Margo
Un Homme et une Femme Project
Thierry Los
Arnaud Fleurent-Didier
Rhesus
Exsonvaldes
Hollywood Porn Stars
Hank Harry
Zop Hopop
Histoire De
Poc
Deportivo