Gentleman très anglais, Peter Astor en impose. Calme, posé, réfléchi, il passe avec classe et un certain détachement d’une séance photo en plein air où il se laisse diriger de bonne grâce à un entretien sous les arbres d’une cour parisienne où il prend les choses en main. Courtois, attentif et pointilleux il parle de masques, de non-communication et il décortique le mode de fabrication de « Torch Division » le nouvel album de son alter ego The Wisdom Of Harry.
Le nouvel album est assez différent du précédent, tu as changé toi aussi ?
Hum… oui et non, l’album est différent, mais pas tant que ça. En fait, Je me suis remis à écouter de plus en plus de chansons, et à en chanter aussi. Les albums d’avant de Wisdom étaient tous composés de chansons, mais il y avait cet apport abstrait de l’électronique. Je me suis retrouvé à faire plus de… mais en fait, j’écris toujours des trucs électro, mais je pense que dorénavant ce sera surtout pour The Ellis Island Sound que ces compo serviront. Enfin, quand je dis électro, je devrais dire instrumental parce qu’Ellis Island Sound ce n’est vraiment que des instrumentaux et qu’il y a toujours un côté électro dans Wisdom dont je ne peux me départir. Wisdom est devenu plus orienté vers les chansons, et les mots. Ce qui, je pense, vient d’un certain sentiment d’urgence et de nécessité, Je suis redevenu amoureux des chansons. de la façon dont les chansons sont en fait des prétextes pour attraper quelque chose à pleines mains, d’avoir quelque chose à dire maintenant, tout de suite et en moins de trois minutes. Je crois que c’est très important comme concept.
Mais ce changement ne nécessitait pas un changement de nom ?
Hum… non, Je pense que c’est toujours la même chose. Je crois que l’album est en accord avec les autres. Ce n’est pas un changement radical, juste une évolution drastique (sourire). C’est une idée que j’ai toujours eue en tête, et dont j’ai discuté avec David, que les groupes doivent toujours évoluer. Et pour moi ce nouvel album est une évolution. De nombreux éléments qui étaient présents sur l’album précédent se retrouvent dans celui-ci. Juste vus sous un nouvel angle, ou poussés un peu plus loin. Et ça a évolué vers quelque chose de différent, quelque chose qui est basé sur des chansons. Pour moi c’est une évolution… Si demain j’arrêtais tous et je faisais un album de Country, ça serait un changement. Mais ce n’est pas ce que j’ai fait. Il y a des éléments de country, mais électro aussi…
Pourtant, sans parler de changement, on peut quand même dire que cet album est plus personnel et moins froid que les précédents.
Oui, c’est vrai… Mais je ne sais pas vraiment pourquoi. L’album est plus personnel et plus révélateur aussi. Simplement la pochette le masque, la façon de jouer avec le genre « chanteur – compositeur ». Parce que, les chanteurs compositeur s’exposent, « voilà, ce sont mes chansons, et c’est moi sur la photo, beau honnête et droitS, il vous plaît achetez mon disque (sourire). Et je me refusais de faire ça, mais le masque est une faible excuse, et on voit bien que c’est moi. C’est un peu comme les masque du théâtre antique. Le masque me cache, mais me permet aussi d’être plus ouvert, de me laisser aller. Je peux dire « voilà, c’est moi ! » avec une cape et un masque… c’est assez… assez shakespearien, en fait. Ce que j’aime assez. Ça me fait rire. Ça me permet de jouer avec mon image, je décide du contexte dans lequel je me replace. De la même façon, l’album a un côté très traditionnel, mais ne l’est pas vraiment. Tout ce que je fais est orienté vers ce qui me plaît, et j’aime le jeu, les faux-semblants, les contre-pieds. Je suis influencé par ce que j’écoute et je me suis remis à écouter des chansons, mais pourtant j’écoutais Autechre dans le train en venant à Paris, juste avant de mettre un CD de musique folk des années 30 dans le Kentucky. J’aime les contre-pieds. J’ai changé. Mes goûts ont évolué. Je me suis redécouvert une passion pour le blues et le folk. En fait, je suis revenu à une forme de musique plus… pas permanente, plus … sans époque, intemporelle.
C’est aussi un des aspects de l’album. On y retrouve des structures traditionnelles, qui rencontrent des aspects modernes. Ça contribue à une certaine intemporalité.
Oui, ce que je voulais faire c’était un album urgent, et court. J’étais tenté de n’y mettre que onze ou dix chansons. Et en voulant faire court et urgent j’ai essayé d’aller à l’essentiel. Il y a tellement de musique en ce moment, on est constamment assailli par de l’info, des data, de la musique. Je voulais faire quelque chose qui compte, qui soit à moi et une réflexion de moi, tout en étant accessible et parlant pour d’autres. Quelque chose d’important. Je ne voulais pas diluer le propos. J’aurais pu en rajouter, mais ça aurait été juste une dilution de plus dans un monde où tout le monde en rajoute. Si tu te dois de faire quelque chose, il ne faut pas perdre ton temps ni celui du public.