SIN ROPAS – Trickboxes on the Pony Line
(Sad Robot)
Alors que Neil s’est embourbé avec son pâteux et peu inspiré "Greendale", la palme du meilleur disque youngien du moment revient sans conteste à Sin Ropas (qui signifie "sans vêtements" en espagnol). Le deuxième album de ce duo de Chicago composé de Tim Hurley (ancien membre des méconnus Red Red Meat et également de Califone) et de sa compagne Danni Iosello complète élégamment le magnifique album de…Califone, paru cette année. Il est vrai que ces deux disques puisent dans le même fonds commun de références classiques (folk, country, classic rock, blues vintage ) en y ajoutant cette fameuse touche chicagoanne d’abstraction expérimentale. De "Hands inside" à "Mays better", Sin Ropas déroule ses chansons sinueuses et lyriques, partant à la source du Mississipi des musiques traditionnelles américaines pour descendre jusqu’aux plaines urbaines et électriques de Chicago. Dans ce disque décidément hors normes, on peut entendre Neil Young, donc (les deux premiers morceaux avec leurs guitares ravagées et leur tension débraillée), mais aussi Dinosaur Jr (Hurley possède en commun avec Mascis ce timbre de voix de grizzly exténué), les hollers de casseurs de cailloux, les chansons des péquenots géniaux des Appalaches (on peut aussi évoquer le Beck de One foot in the grave) et les déflagrations soniques du grunge. Ce catalogue d’influences palpables est assez impuissant à rendre compte de ce qui fait l’unité de ce disque : une production à la fois complexe et dense (des percussions azimuthées, des instruments exotiques -dont le qwank !-, de l’harmonium et des sons bizarres un peu partout) mais limpide et intelligente, qui met en valeur des chansons décharnées et abruptes. Surtout on tient avec cet album un grand disque de guitares : électriques, acoustiques ou expérimentales (note pour les spécialistes : Tim Hurley est le maître de l’e-bow, cette machine à transformer un son de guitare en tout autre chose) elles sont le témoin des multiples formes que peut prendre l’instrument-roi de la musique américaine. Et ça nous change de l’opposition entre les apôtres austères du dénuement folk et le glamour un peu vain des revivalistes rock’n’roll. Comme tous les grands disques, "Trickboxes" fait fi des dichotomies qui font l’ordinaire du rock (atmosphères/racines, instinct/logique, songwriting/expérimentation) et répond bien plus sûrement que les White Stripes à la question : comment faire du neuf avec de l’ancien ? Neil Young ferait bien d’embaucher Sin Ropas pour son prochain album.
Laurent Vaissière
Hands inside
Butter on cane
Candy cobra
Floorboards
Syrup coat
Crumbs
Buried with the footmen
Mays better