JEAN-LOUIS MURAT – Lilith
(Labels)
"T’as aimé le dernier Jean-Louis Murat?", entend-on souvent demander, comme on s’enquiert sur le goût du Beaujolais nouveau. D’abord, il n’y a pas un mais deux Jean-Louis Murat : celui de Lilith 1 et celui de Lilith 2, les deux volets du double-album. On peut même dire qu’il y en a trois puisque Lilith version vinyle, c’est trois galettes de celluloïd. Mais ne compliquons pas les choses, elles sont assez emberlificotées, comme le ronronne joliment Murat n°1 dans "Le mou du chat". Restons-en à la dichotomie CD.
L’écoute de Lilith 1 est séduisante, très séduisante… presque trop. Chaque chanson accroche. Mauvais esprit comme on est, on pense à "Foule romaine", on sent les tubes estampillés France Inter. "A la morte fontaine" est une version arabisante d’"A la claire fontaine" ; "La maladie d’amour" a un petit côté "Quelque chose en nous de Kennedy" (de Johnny H…) ; "Le cri du papillon" sonne funky ; "Lilith" avance toutes guitares dehors ; "De la coupe aux lèvres" rappelle les ambiances veloutées de Mustango. Tout fonctionne, tout marche. Bref, Murat n°1 est un fin viseur, il tape dans le mille et du premier coup. Autre image: il caresse dans le sens du poil. Ne nous reste plus qu’à ronronner.
Mais voilà, nous, gros chats repus, quelque chose nous manque dans cette confortable câlinerie de coin du feu. Quelque chose comme la nouveauté, l’étonnement, la surprise.
Alors Murat sort sa seconde flèche: c’est Lilith 2. Les longs violons de "Se mettre aux anges" répondent à des choeurs satinés. Une sorte de musique de film, grave, solennelle, élégante. Nous voilà dans un autre monde, plus profond et plus aérien, plus rond, plus chaud, plus lent. Les chansons défilent avec fluidité ("Qui est cette fille?", "Emotion", "Le contentement de la Lady"), subtiles et nues, comme débarrassées de toutes les références qui encombraient celles de Lilith 1. On voit des entrelacs, des volutes, des adorables pointillés. Les mots aussi s’accordent mieux, et la voix semble plus à l’aise dans ce dépouillement. Le fantôme de Nick Drake rôde un peu, mais chassons-le, nous sommes bien chez Jean-Louis Murat. Quand même, quelle admirable façon d’ourler ses mots, de parler de glacier, de rhubarbe et d’anges sans verser dans le cucul-la-prâline. A la fin de Lilith 2, frayeur : ça s’emballe un peu, on ressort la grosse caisse et les guitares. Forcément, on tressaute, on a peur que quelques vilains riffs ne chassent la magie. Fausse peur, ce disque est enchanté (la dernière chanson nous paraît superflue mais ne chipotons pas). Non vraiment, l’archer est beau et l’archée est belle, Lilith 1 est brillant et Lilith 2, brillantissime. Donc, oui, on a "aimé le dernier Jean-Louis Murat". Mais ne nous parlez plus de Beaujolais nouveau.
Les jours du jaguar
A la morte fontaine
La maladie d’amour
Le mou du chat
Tant la vie demande à mourir
Le cri du papillon
Zibeline Tang
Lilith
C’est l’âme qu’on nous arrache
De la coupe aux lèvres
On ne peut rien en dire
Le revolver nommé désir
Se mettre aux anges
Qui est cette fille
Emotion
Le contentement de la Lady
Le voleur de rhubarbe
Le désarmement intérieur
Elle pleure
Le salaud
La nature du genre
Gel et rosée
L’absence de vraie vie
Un adieu impossible, à Jean-Louis Murat – POPnews
[…] « Lilith » (2003) […]