GILLIAN WELCH – Soul journey
(Acony records)
La sortie de cet album délicieusement habillé d’un emballage bleu turquoise à se noyer vient rappeler que deux ans ont passé depuis le merveilleux "Revelator" et que ce dernier n’a jamais ne serait-ce que cinq minutes pris la poussière sur une étagère -et puis qu’il serait impossible de demander à Gillian Welch de faire mieux que "Revelator" ni même aussi bien. D’ailleurs, "Soul journey" n’est pas comparable à son prédécesseur puisqu’il est différent et pour savoir en quoi, prière de se reporter à la fin de la chronique, comme dans toutes les bonnes histoires.
Mais d’abord, une déclaration d’amour. A la trente-neuvième seconde du premier morceau ("Look at miss Ohio"), Gillian Welch chante ces vers : "Gonna drive to Atlanta, Leave out this fantasy ». Rien qu’à la façon dont elle prononce ces simples mots (Atlanta, fantasy), le fan (moi) a les yeux qui fondent : Gillian Welch est de retour.
Et comme chez un vieil ami qu’on revoit après des années de séparation, ce même fan remarque d’emblée ce qui a changé : les orchestrations sont plus riches (un orgue, un violon, une batterie sur la moitié des titres)- mais l’éventualité d’une fatwa sera abandonnée aux ayatollahs de l’acoustique- et si Gillian Welch a écrit sur le précédent de vrais classiques, elle se limite là à en reprendre, quoique sa version de "Make me a pallet on your floor", débarrassé une bonne fois pour toutes de ses sous-entendus sexuels, se revèle dans sa nudité totalement bouleversante.
Pour Gillian Welch, "Revelator" fut son "Arise therefore". Ce disque poussait à son paroxysme le dépouillement musical et le désespoir lucide dans les paroles, avec une écriture tendue comme une arbalète et totalement maîtrisée qui plaçait l’auditeur devant une alternative diabolique : réécouter le disque ou aller se pendre. Rien de tout cela (ou plus grand-chose) sur "Soul journey". Ceux qui auront choisi la première option pourront découvrir une interprète apaisée, totalement détendue, avec des chansons qui se lovent en mineur dans les creux de ses arrangements, et s’y trouvent à l’aise. Les musiciens (et Gillian elle-même) n’ont pas toujours l’air de savoir où ils vont, mais on les suit quand même pour revenir régulièrement sur ces sentiers de traverse, où rien n’existe vraiment que le plaisir d’élaborer une musique simple et magnifique, qu’on ne pourra peut-être jamais refaire car intrinsèquement liée à l’inspiration et l’humeur passagères.
Gillian Welch dit de "Soul journey» qu’il est le plus "ensoleillé" de son œuvre. Nul ne sait où l’interprète de "Caleb Meyer" (l’histoire d’un viol avorté raconté du point de vue de la victime, paru sur "Hell among the yearlings") à puisé le bonheur qui irradie chaque plage, mais on est tout prêt à le partager avec elle. Très grand disque d’autant plus, comme disent les enfants, qu’elle ne l’a même pas fait exprès.
Jean-Christophe
Look at miss Ohio
Make me a pallet on your floor
Wayside/Back in time
I had a real good mother and father
One monkey
No one knows my name
Lowlands
One little song
I made a lovers prayer
Wrecking ball