Un peu de retard, heu, de recul n’est pas plus mal : alors que les nouveautés défilent au pas de charge, ne laissant aucun répit, cela permet de revenir sur un album sur lequel on est passé par la force des choses trop rapidement,l’excellent « The Listener« , du vétéran Howe Gelb. Retour sur vingt ans de carrière des plus passionnants.
Avant tout, comment est le bébé ?
Le bébé ? comment tu sais ça ? il est génial, dense !
Est-ce qu’enregistrer l’album, c’était un peu une compensation parce que madame était enceinte ?
Oui, je ne pouvais pas faire de bébé donc j’ai décidé de faire un album. Sauf qu’il lui a fallu neuf mois de travail. Alors que j’ai pondu l’album en quelques jours.
Quelques jours ?
Ben oui, je suis plus vieux, plus sage, j’ai plus d’expérience.
Donc tu es parti au Danemark et tu as démarré à partir de zéro ?
Oui, je suis parti et je n’avais pas d’idées. Mais je me sentais super bien là-bas, j’ai fait le vide. Quand je suis à la maison, j’ai trop de choses à penser, j’ai la tête pleine. Alors que dans ce nouvel endroit, tout est neuf et grand ouvert. Ce qui est assez bizarre puisqu’à la maison le paysage est grand ouvert et plein d’espace vide. Mais ma tête est pleine de pensées, très encombrée. Alors qu’au Danemark, le paysage était encombré, très touffu, mais ma tête était vide. Tout l’inverse. Et c’est une sensation géniale. Et puis j’ai rencontré ces musiciens. J’avais un concert hebdomadaire où j’essayais de nouvelles chansons et ces personnes passaient, regardaient et écoutaient ce que je faisais, parfois ils traînaient avec moi après et prenaient part au show. C’était génial comme vie.
Et les chansons sont le résultat d’un effort du groupe ?
Il y avait déjà ce groupe qui existait, Under Byen, et ils ne chantent qu’en danois. Et la chanteuse qui écrit tout et joue du piano était très gentille. On trainait ensemble et elle m’a montré le studio. Plus tard j’ai rencontré une chanteuse assez populaire là-bas qui ne chante qu’en Anglais. Un jour j’ai décidé de rentrer en studio et j’ai invité tout le monde. Donc il y a plein de musiciens et c’est super. Parce qu’on n’a pas réfléchi. Tout s’est fait à l’instinct, à la dernière minute. Qui fait quoi, qui joue de quel instrument…
C’est en partie à cause de ça que l’album est si divers, qu’il y a autant de dimensions explorées, parfois même au sein d’une seule chanson ?
En fait, c’est ma façon de fonctionner. J’ai une capacité de concentration assez faible, mon esprit va et vient sans cesse. Et j’ai appris à accepter cet état de fait. Je passe d’une idée à l’autre très rapidement. Ok, voilà une idée. Le fait de la formuler fait qu’elle existe. Il est temps de passer à autre chose. Un peu comme quand on se tient une conversation à soi même et que l’esprit vagabonde vers autre chose et autre chose et qu’on essaye de voir jusqu’où on peut aller encore sans jamais oublier la première idée.
Depuis « Lull Piano », on sent de plus en plus une influence jazz, ça vient d’où ?
En fait, ça vient d’il y a très longtemps, quand j’étais très jeune. J’achetais des disques bon marché. Tu sais dans les magasins de disque, dans les bacs à soldes. Pour moins d’un dollar. Et j’achetais ces disques sans trop savoir ce que je faisais, et maintenant ils ont pris de l’importance. Je suis heureux d’avoir été suffisamment bête à l’époque pour faire ça, pour les récupérer sans trop y faire attention.
Et ces disques sont présents à l’esprit quand tu enregistres ?
Oui et non, en fait, maintenant, après tout ce temps, ils font plus ou moins partie de ce que je suis. Donc oui, ils sont là mais passés à travers mes filtres personnels. Un peu comme tout ce qu’on ingurgite d’une façon ou d’une autre, la bouffe, les livres, les produits culturels… Tout est filtré à travers ta personnalité, ta passion et finit par s’amalgamer à l’existant, à être émulé. Et c’est cette évolution qui crée la musique. C’est ce qui fait le jeu.