Sylvain Chauveau aura traversé les années 2002-2003 avec une sorte de fulgurance discrète, semant les disques et les coups de génie parfois anonymement à travers divers projets aussi éclectiques que finalement cohérents entre eux. Trop difficile d’énumérer tous les albums que le musicien a sortis en un an : deux disques d’Arca, trois sous son propre nom (en comptant la réédition du Livre noir du capitalisme), un album de micro : mega. Le temps d’un court album, « Un autre décembre », aux silences aussi primordiaux que les notes, le label Fat Cat (Múm, Sigur Rós, Dorine Muraille…) a saisi Chauveau au vol, nous donnant l’opportunité de revenir sur un parcours intriguant, mêlant dilettantisme et réflexions profondes sur le travail artistique.
Tu mènes trois projets musicaux en même temps, Arca, Micro : Mega, et tes propres albums. Tu arrives à tout gérer ?
Oui j’ai trois projets en parallèle : mon projet solo, en ce moment et je joue dans deux groupes micro :mega avec Frédéric Luneau et Arca avec Joan Cambon. Pour ces deux groupes c’est vraiment un travail collectif. Ce n’est pas mon projet sous un autre nom. Dans Arca, Joan Cambon a le rôle le plus important, moi je suis juste un bras droit. Ca demande pas mal de temps, mais depuis quelque mois je n’ai pas besoin de travailler à côté, donc je peux trouver le temps de faire tout ça.
C’est un hasard du calendrier que tes albums et ceux d’Arca sortent toujours en même temps ?
Non ce n’est pas voulu, c’est même un peu regrettable. Le disque d’Arca s’est fini à la fin de l’automne et « Un Autre Décembre » était fini depuis longtemps mais avec le calendrier de sortie de Fat Cat, ils sont sortis au même moment. J’aurais voulu l’éviter parce que ça crée une sorte de confusion. Les disques sont chroniqués en même temps et les lecteurs ne font plus trop la différence. Même les chroniqueurs ont tendance à parler d’un album en pensant à l’autre.
Et comment as-tu atterri chez Fat Cat alors que ton précédent album « Nocturne impalpable » était sorti chez Les Disques Du Soleil Et De l’Acier ?
Les rencontres avec les labels avec lesquels j’ai travaillé, que ce soit DSA ou Fat Cat, se sont toujours faites par envois de démo. Ce sont des petites structures qui prennent le temps d’écouter les démos. Après mon premier album solo (« Le livre noir du capitalisme ») je m’étais fait jeter de mon label, Noise Museum, alors j’ai envoyé mon album à DSA qui avait déjà reçu l’album de cet autre projet, Arca. A la même période j’avais aussi envoyé une démo à Fat Cat qui a réagi plus tard que DSA. Mais ils étaient intéressés. Alors je leur ai proposé quelque chose d’un peu différent, en format court, une sorte d’EP. Au final c’est plus un mini album.
Ils ont signé Dorine Muraille récemment, ils prospectent en France ?
Je crois qu’ils se fichent de la nationalité. Il y a toujours l’image du label anglais plus attiré par la musique anglo-saxonne, mais eux que ce soit japonais ou tchèque, si ça leur plait ils le signent. Je me suis posé la question pour les intitulés de mes instrumentaux. C’est important pour moi parce que les titres constituent le seul aspect littéraire de ma musique. Ils sont en français et je voulais peut-être les traduire en anglais pour que ce soit compréhensible un peu partout. Fat Cat m’a répondu qu’en français c’était très bien. La langue importe peu. Leur groupe phare c’est Sigur Rós qui a inventé sa propre langue. Ca symbolise bien l’état d’esprit du label.
Pour en revenir aux titres de tes morceaux, tu as l’air d’y accorder beaucoup d’importance. Ils fonctionnent comme des accroches poétiques ou des mini poèmes. C’est pour pallier l’absence de texte dans ta musique ?
C’est tout à fait ça. Je voulais un aspect poétique dans la musique. Mais comme il n’y a pas de chansons dans mon travail, je me suis dit que la poésie devait être dans les titres. Comme des poèmes d’une ligne. Comme si ces disques étaient des recueils de poèmes en son. C’est vraiment ce que je cherchais. De la fin des années 90 aux débuts des années 2000, pendant trois ou quatre ans, je n’ai lu quasi exclusivement que Henri Michaux qui a été une source d’inspiration énorme. Ca me laissait imaginer plein de choses en musique. Je regardais une liste de titres de recueils de Michaux et je me suis dit que mes morceaux devaient aller vers ça.
Il y a une correspondance entre les intitulés des morceaux et l’état dans lequel tu étais quand tu les as composés ?
Oui ce n’est pas un hasard. Il y a toujours un sens personnel. Parfois je passe plus de temps sur le titre du morceau que sur le morceau lui-même, pour te dire combien c’est quelque chose auquel je pense beaucoup.