BRIGITTE FONTAINE – Brigitte Fontaine
(Saravah/Night and Day)
1972. En 1972, Outre Atlantique, sort "Transformer" de Lou Reed, au milieu de paillettes, des lignes blanches, de Bowie et Ronson. Pas si loin que ça, les Français vantent les mérites des maisons bleues adossées aux collines et des trèfles prohibés qui rendent si compréhensifs (et apathiques) face au fabuleux monde environnant.
De tout ce beau monde rêveur émerge Brigitte Fontaine, avec un album éponyme qui laisse supposer qu’elle a dû passer non seulement par ces chemins saupoudrés de grains de folie blanche, mais aussi que le vent du nord a soufflé en rafales l’odeur des trèfles magiques sur sa tête de kéké. Car fêlée, c’est une confirmation, Brigitte Fontaine l’était déjà en 1972. Elle avait encore des cheveux, certes, façon Fabienne Thibault et Juliette Greco, mais elle possédait déjà le sens de l’humour qu’on lui connaît, absurde et corrosif pour toute personne cherchant une quelconque once de rationalité dans ses propos. Essayez vous-y donc : "Des petites filles de l’âge de pierre ont chanté dans les trains des mélopées sauvages ignorées de leur mère" ( "Premier juillet", même tonton Sigmund ne s’y retrouverait pas), "un peu de yaourt voulez-vous et un sachet d’héroïne" ("Marcelle", plus compréhensible), ou encore le très explicite "moi je mange de la bouse de vache" ("Moi aussi"). Cet album démontre qu’il y avait donc, bien avant Etienne Charry des paroles qui frôlaient, pour ne pas dire flirtaient avec le ridicule…
Ce sont les paroles ici qui accompagnent la musique, et non pas l’inverse. Une musique épurée, simple, minimaliste. Une musique prétexte aux envolées et aux logorrhées de lyrisme déjanté, composée de quelques violons, d’arpèges tournant en boucle, de plusieurs voix juxtaposées, de quelques tambours. Mais, (grande surprise) c’est dans l’étrange et même le grotesque qu’elle se classe le plus facilement, toujours avec le but de dérouter mais malheureusement pas toujours de ravir.
Trente ans après, on ne ressort pas vraiment bluffé d’une première écoute de l’album, et à vrai dire, cette simple écoute suivie de peut être une ou deux autres est bien suffisante pour apprécier l’étendue musicale et le décalage parolier du personnage. À consommer avec modération… En guise d’anti-dépresseur.
Inês d’Almeÿ
Brigitte
Moi aussi
L’auberge
Premier juillet
Le dragon
Vingt secondes
Éros
Une minute 55
Ou vas-tu petit garçon
Marcelle
L’éternel retour (bonus track)