LA ROUTE DU ROCK – Fort de Saint Père, 9-10-11 août 2002
Après quelques tentatives électroniques plus ou moins récompensées de succès, le festival suivait pour sa douzième édition l’air du temps, qui nous proclame depuis quelques mois le retour du bon vieux rock’n’roll mais sans non plus nous imposer de tête d’affiche convenue (comme Yann Tiersen l’an passé) ou tête à claque (Muse…). En plus d’être rock’n’roll, le fond de l’air du temps fut plutôt frais lors de cette édition, puisque le soleil ne daignât faire une apparition durable sur le fort de Saint Père que lors du dernier jour, laissant le festivalier sous la pluie (le premier jour), puis dans la boue (tout le temps). Heureusement, Joe Cocker s’était fait porter pâle, sinon, c’était Woodstock. Compte-rendu, with a little help from my friend…
Journée du 9 août
Il pleuvait déjà depuis de longues heures lorsque The Coral est monté sur scène pour donner le coup d’envoi de cette Route Du Rock. La partie n’était pas gagnée d’avance puisque le public, déjà trempé, était passablement frigorifié (en tout cas moi). Le rock bigarré de ces anglais héritiers, à la fois des La’s et des Leningrad Cowboys (!) a néanmoins réussi à sortir quelques festivaliers de leur torpeur à force de morceaux dont le tempo descend rarement au-dessous des 200 bpm. Ces jeunes zébulons s’excitent sur leurs guitares (trois en tout), traitées en accords saccadés et riffs nerveux. « Simon Diamond » vient tout de même calmer le jeu. Le groupe se révèle ainsi plutôt bon dans l’exercice de la ballade intemporelle et immédiate. « Shadows Fall », leur premier single, condense ces deux aspects de la musique de The Coral : intro planante et rupture de rythme pour emmener l’auditoire vers un improbable rock tzigane. Le concert s’achève par « Skeleton Key » ou la rencontre entre les Stranglers et le No Smoking Orchestra d’Emir Kusturica. Le morceau vire rapidement au beuf psychédélique pour lequel le chanteur se transforme en prêcheur habité. Une mise en jambe pleine de références et quelque peu redondante, mais pas désagréable…
Auteur d’un album passé de par trop inaperçu du public, les Departure Lounge prennent ensuite la direction des opérations. Débarrassée de ses écarts parfois un peu longuets sur disque, leur pop classieuse fait mouche, avec une mention spéciale pour le merveilleux « The New You », une de ces chansons pop parfaites et délicates qu’on aimerait avoir écrites pour faire sienne la fille qu’on aime. Et Tim Keegan a un joli pantalon.
Royksöpp rappellera malheureusement de manière caricaturale que les groupes électroniques souffrent parfois d’une légere absence de présence sur scène. Pourtant, nos deux norvégiens ne manquent a priori pas de prestance et distillent une musique facile pour gens pas trop difficiles qui a ses charmes, surtout quand ça s’emballe vers la fin, pour un final qui rappelle presque les grandes heures (lointaines) de Gus Gus.
Interpol était déjà présent l’année dernière à Saint-Malo, faisant alors ses premiers émules sur le sol français. C’est en quasi-tête d’affiche que le groupe revenait pour cette édition et le public partait déjà conquis. La nuit était tombée et les conditions devenaient de plus en plus apocalyptiques, ce qui finalement seyait bien au rock crépusculaire d’Interpol. Il y a toujours du Ian Curtis dans la voix de Paul Banks et du Chameleons dans ces guitares monocordes. Mais force est de constater que si Joy Division savait construire des morceaux à tiroirs en passant d’un climat à l’autre et jouant sur différentes nuances musicales, Interpol frôle souvent l’ennui et la monotonie malgré quelques bons morceaux (dont leur » Obstacle ») et une belle présence (toujours aussi classes sur scène, les New-yorkais). Sûrement est-ce le son des guitares qui m’a précocement fatigué. Noyé sous des tonnes de reverb, j’abdique. Après un joyeux anniversaire chanté a capella en l’honneur du batteur, le groupe entonnait son tube, » PDA » devant un auditoire ravi. Le batteur en profitera pour s’offrir un bain de foule.
Nos retrouvailles avec Divine Comedy ont lieu sous une pluie battante, qui, le vent aidant, atteint même un petit Neil un peu ivre et ses instruments. Ainsi que son nouveau groupe, dans une formation surprenante (contrebasse, percussion, guitare acoustique, batterie, xylophone) et pas toujours d’aplomb. Le concert aura des hauts (« When the Lights Go Out All Over Europe », « Generation Sex ») et des bas (un « Tonight We Fly » patapouf comme rarement), ses surprises (une reprise du thème de Charlie Brown, pour les fans de Snoopy… et de Woodstock, l’oiseau qui lui tient compagnie… un choix pertinent au quinzième degré dans le contexte boueux du festival… et une reprise rockab’ du « Planet of Sound » des Pixies), des bons mots (un « Hello Glastonbury » de circonstance…) et sa nouvelle chanson, pas terrible au premier abord. Neil, fais toi couper les cheveux, arrête la picole et remets toi sérieusement à écrire des chansons, on est prêt à beaucoup te pardonner.
Ensuite, il y avait Programme, mais j’avoue que malgré toute ma sympathie pour ce groupe, la perspective de retrouver un endroit sec où s’allonger quelques temps fut la plus forte. Mais ça devait être bien.