MUS – El Naval
(Acuarela / Poplane)
Se prêter au jeu du portrait chinois peut avoir du bon pour parler d’un album et si "El Naval" devait ainsi être une fleur, ce serait assurément un pissenlit. Mais pas de ces pissenlits estivaux et jaunes vifs, non, Mus serait un pissenlit d’automne ceux qu’on soufflait, enfants, pour en disséminer les graines suspendues à leur aigrette. La musique de Mus est à l’image de ces parachutes naturels : fragile, légère, douce et hésitante. La musique de Mus avance ainsi timidement et se laisse porter nonchalamment, un peu comme soulevée par le vent. Il faut dire que Mus se donne les moyens de se laisser planer ainsi tant elle sait se faire aérienne. D’une part grâce à cette utilisation délicate toute espagnole (Le Mans, Sr Chinarro, et même Migala…) des instruments. Les morceaux se résument en effet souvent à quelques notes de basse, des répétitions pianistiques et à l’effleurement d’une guitare acoustique. Point culminant de cette parcimonie, "Al Oeste…", un modèle de suggestion musicale qui évoque beaucoup avec une quasi unique phrase de piano. D’autre part, parce que Mus compose comme nous entrouvrons des portes sans les refermer derrière nous. Ce groupe n’élabore jamais des lignes mélodiques claires, encore moins rigides. Mus suggère des chansons plus qu’il n’en compose, les entrouvre sans les refermer donc. Le groupe ne dévoile jamais ses mélodies de manière immédiate. Les chansons se dérobent toujours un peu à l’auditeur avant de se livrer, d’où la sensation aérienne que procure cet album. Le Piano sur "Sacramento" en témoigne tant il semble évoluer de manière faussement décalée et aléatoire sur les arpèges d’Irene Tremblay d’Aroah. Ce piano structure le morceau et le déstructure par la même occasion. Troublant.
Pourtant Mus compose de vraies chansons et c’est cela le plus bizarre. Mus en sept albums et maxis n’a jamais réellement été un groupe de post-rock… Mus arrive toujours en fait à trouver un juste équilibre entre l’atmosphérique et le mélodique (souvent porté par la voix séduisante de Monica Vacas). Les chansons, d’un premier abord monocorde, se révèlent en fait teintées d’émotions diverses, de nuances, de repères auditifs. "Quien Bien Te Quier" ou "Al Debalu" le démontrent avec leur lente montée d’orgue.
Mais peut-être qu’à force de timidité et de chansons qui ne doivent souffrir d’aucun parasite sonore alentour pour être appréciées à leur juste valeur, le groupe risque de perdre son auditeur en cours de route. Mus n’a ni les atours du doux groove bossa d’un Le Mans, ni la démarche jusqu’au-boutiste d’un Piano Magic, ni même la tension émotionnelle de L’Altra. Mais ce que Mus perd ici, le groupe le gagne aussi en flou artistique. Et ce sera toujours un plaisir, l’automne venu, de se faire envoler les volutes musicales que sont les vaporeuses chansons de Mus.
Monsieur Morel
Al Debalu
Al Oeste De La Divisoria
Sacramento
Embalses Y Rios
Caseria
Cuesta
Casi Ensin Zarrar Los Güeyos
Quien Bien Te Quier
Rencor
Encofraos