Moldy Peaches – Mains d’oeuvres, 12/06/2002
Il est 20h45, et la longue file qui traîne sur le trottoir devant les Mains d’Oeuvres laisse présager une salle remplie à craquer et un concert haut en couleurs. Il faut dire que pour chauffer la salle et introduire comme il se doit ces New Yorkais plus que déjantés, la première partie assurée par Joie/Dead Blonde Girlfriend a mis le feu aux poudres en entamant un set acoustique punk, avec un rythme marathonien, seul avec ses cheveux verts et ses textes furieux. David Kitt en guise de deuxième première partie calma un peu le jeu, et les nombreuses personnes assises dans la salle attenante sirotant de la bière prouvaient bien qu’elles n’étaient pas venues pour du punk acoustique enragé ou de l’electro romantique mais pour le son unique, ravageur, entraînant, toujours drôle et irrésistible des Moldy Peaches.
Leur réputation scénique n’est plus à faire : déguisés (palme d’or au chanteur Adam Green pour son physique mélangeant Robin des Bois, Julian Casablancas et le Magicien d’Oz), ils semblent faire partie d’une autre planète (les yeux de Green et de l’autre chanteuse Kymia Dawson allumés d’une lueur substantiquement modifiée reflétant leur musique décalée…). Parcourant des yeux la salle comme pour happer le public dans leur univers noisy et dépourvu de sérieux mais jamais superficiel, le groupe (ou plutôt les lapins façon Alice au pays des merveilles) qui les accompagne entame des titres tels que "lucky number nine", "on top", "who’s got the crack" ou encore "anyone else but you".
Les Moldy Peaches vont à contre sens de la traditionnelle mise en scène dépourvue d’originalité du groupe rock typique, carré, en uniforme, jouant l’album dans le désordre et jettant trois phrases au public. Ils prouvent avec leur musique fraîche, au son gras et garage auquel se greffent des mélodies fines et délicates, que leurs voix et leurs paroles paraissent se moquer de tout mais au fond expriment de manière primaire et primale ce que les artifices ne font qu’évoquer. Ils démontrent aussi qu’une musique qui ne se prend pas au sérieux peut être de grande qualité et recherchée, alliant punk, garage, folk, pop, son voilé très Lo-Fi, et mélodies fines et imparables. Dommage cependant que le public n’ait pas réagi de manière plus dynamique au feu provenant de la scène… public statique, hochant vaguement la tête et se balançant nonchalamment d’un pied sur l’autre… Mais l’autre don des Moldy Peaches est de créer cette atmosphère d’osmose entre le public et le groupe (notamment Kymia en parlant vaguement français, faisant sourire toute la salle : "J’habite dans une bibliothèque !"), de transmettre leur joie et leur philosophie de la vie contagieuses qui risquent de poursuivre ceux qui les ont vus très longtemps après.
Inês d’Almeÿ – photos : Hélène