PONY CLUB – Home Truths
(Setanta / PIAS)
Enfin ! Vous allez enfin pouvoir débarrasser vos industrieuses et peu rancunières platines de vos disques de (choisir un ou plusieurs items) a) The Strokes b) Electric Soft Parade c) New Order d) The Notwist. En effet, nos amis irlandais de Setanta viennent juste d’avoir la bonne idée de sortir le meilleur album du trimestre voire de l’année. Ni plus ni moins.
Voici donc Pony Club, groupe-écran d’un certain Mark Cullen (qui officiait précédemment dans Fixed Stars). Si je vous dis Peter Milton Walsh, Glenn Melia, Ian McCulloch, Morrissey, Luke Haines, MacLennan/Foster, vous allez (je l’espère) me répondre « les plus grand songwriters pop anglophones des 20 dernières années ». Et bien, croyez-le ou non, on retrouve un petit bout de chacun de ces personnages plus ou moins célèbres dans la personnalité, a priori complexe, du sieur Cullen, ou, du moins, de son alter ego artistique. J’en suis encore tout retourné.
Pony Club donc. Déjà tout un programme ce nom. A l’âge de 8 ans, j’ai fait une année de poney au rythme insupportable de 2 heures par semaine : c’est fou tous les drames qui peuvent se jouer en deux heures de farandole dans le manège « enfant » d’un club de poney. Surtout, quand les moniteurs ont l’excellente idée de vous refiler « Moutarde » (doux euphémisme), la boule de nerf du haras, une bête plus malveillante que le plus pervers des leprechauns ( pour rester dans l’imaginaire irlandais), le genre d’entité vivante qui ne peut être que le fruit d’accouplements consanguins des plus sordides. Ajoutez à ce premier niveau d’humiliation (1 chute toutes les 2 minutes), le port obligatoire de la bombe, ce ridicule couvre-chef en forme de coquille de Calimero et vous aurez une idée (encore loin de la réalité) de l’univers sordide que peut être un poney club. Alors, évidemment, je ne sais pas si c’est ce type d’expérience glauque qui a inspiré le nom de son simili groupe à Mark Cullen, mais je suppose que ma spéculation équestre ne doit pas être totalement étrangère au choix de cet étrange sobriquet.
Car, aux vues du discours déroulé par le monsieur tout au long de ce magnifique album, on devine que le petit Cullen n’était pas forcément un enfant heureux et épanoui. D’où, peut-être, cet irrévocable désir de penser et repenser le concept de famille et tous ses corollaires les plus antipathiques. La famille : berceau de toutes les illusions, tombeau de toutes les aspirations. Tel est le tableau que dépeint M.Cullen, plus particulièrement dans l’assassine « Happy Families » : « two kids and you’ll be happy / two cars and then you’ll love me / i’d like a boy you’d like a girl / we’ll make a happy family ». Et plus loin de lâcher l’irréversible sentence : « I won’t always keep you happy / (…) / I can’t pull down every tower block / I can’t make your headaches just stop / I can’t promise happy endings ». Aussi n’est-il pas surprenant d’entendre à la fin d’un morceau, un extrait du chef d’œuvre de Mike Leigh « Secret & Lies », où l’un des protagonistes, parlant de sa famille, hurle « All my life I’ve tried to make people happy and the three people I love the most hate each others, I’m in the middle, I can’t take it anymore ».
Mais, attention, ce disque est tout sauf une œuvre revancharde.
« Home Truths », c’est l’histoire d’une vie solitaire dans un suburb populaire d’une Irlande à deux vitesses. Pas forcément une histoire de baston, de dope et de baise. Plutôt un conte urbain nourrit à l’ordinaire d’un quartier « where everybody calls their first born Britney » (« CCTV »). On y croise un mari adultère qui finit par lâcher le morceau (« Fuck with my heart »), des parents qui doutent, des fantômes d’ex-petites amies (« Tenderness »), un célibataire mélancolique (« Single »)…
Et la musique dans tout ça ? Tout simplement irréprochable. A mi-chemin entre Black Box Recorder (moins sophistiquées), East River Pipe (plus ambitieuses) et les Cocteau Twins, les orchestrations « home-made » de Mark ne rentrent néanmoins dans aucun schéma réellement préétabli : pianos synthétiques, guitares étirées et éthérées, cœurs féminins puisés dans l’héritage Madchester, boîtes à rythme « baggy » ou 80’s, saxophones anachroniques, samples de voix… Une musique à géométrie variable mais hautement cohérente, en somme. Une véritable prouesse quand on sait que tout l’album a été enregistré et mixé dans la chambre d’enfance de Mark.
À certains égards, ce disque – ou, du moins, son idée fondatrice – me fait penser au magnifique « Apart » de The Apartments : une œuvre d’introspection éminemment amère et mélancolique mais paradoxalement portée par une lumière invisible et indicible, un rayonnement désabusé mais apaisé. Autrement dit, Mark Cullen déteste la vie de ses congénères (sa vie ?), mais pour rien au monde il ne voudrait les voir en changer.
Mon album du trimestre.
Refau
Fuck with my heart
CCTV
Stop
Single
The thing about men
Millions like us
Home is so sad
What did you expect
Tenderness
Happy families
Flakey wife
Afternoon drinking