WILCO – Yankee hotel foxtrot
(Nonesuch records/import)
Le moins que l’on puisse dire est que ce quatrième album de Wilco ne se laisse guère apprivoiser au premier abord. On comprend un peu la perplexité de l’ancien label qui finit par demander au groupe d’y faire quelques retouches plus radiomicales… Ce qu’il refusa, ce qui se comprend aussi, vu la densité singulière, la structure fragile de l’œuvre en question. "Yankee Hotel Foxtrot" restera l’ultime fruit de l’association Tweedy/Bennett, celui-ci ayant plié bagage après l’enregistrement de ce disque, dans lequel il s’est investi tout autant que pour les deux précédents, peut-être avec une prépondérance de plus en plus accrue. Arrangeur multi-instrumentiste aussi bien que compositeur, Jay Bennett est très probablement à l’origine de la texture sonore de l’album, faite de bruitages, de sonorités sophistiquées, de dérapages bizarres… Mais on ne saurait trop se hasarder à supposer qui a fait quoi, la créativité d’un groupe étant souvent l’affaire d’une entente homogène.
Il s’agit ici du disque le plus aventureux et expérimental de Wilco, de son plus esthétique aussi, sans le moindre élément punk-rock (qu’on trouvait encore un peu dans "Summerteeth", pourtant déjà très pop). L’évolution de Jeff Tweedy, leader de Wilco, est assez claire de ce côté-là : la country, même alternative, c’est du passé.
Contrairement à "Summerteeth", disque de bonheur, "YHF" n’est pas une œuvre très digeste, quoique excellente artistiquement. Une humeur grisâtre, à l’image de la pochette, la domine – bien que ponctuée d’éclaircies pop dont la finesse aurait de quoi faire pâlir les Papas Fritas. Cet album a l’air d’un puzzle de onze titres, avec pour seule logique constructive une ouverture et une fermeture, qui sont des titres ostensiblement plus étirés, faisant la part belle au bruitisme d’atmosphère, comme un décor qu’on installe et qu’on remballe… Bien que partisan de la concision, je ne critiquerai pas les quelques longueurs que le groupe s’octroie pour ce disque, si elles sont destinées à lui donner un certain cachet : apparemment elles devaient en faire partie intégrante. Néanmoins je souhaite qu’il n’insiste pas trop dans cette direction, qui est généralement une porte ouverte aux complaisances. Ici ce n’est pas le cas : les onze compositions tiennent le haut du pavé, il n’y a rien à jeter.
J’ai même du mal à me croire moi-même en observant que les petits chefs-d’œuvre se suivent : "Kamera", "Radio Cure", "War On War", "Jesus, etc…", "Ashes Of American Flags"… je suis tout bonnement en train de vous donner le track listing !
Quelque part on a aussi envie de voir ce disque en vinyle, car il rappelle beaucoup les chefs-d’œuvre à l’ancienne, où chaque titre a son caractère, sa saveur, sa consistance. D’ailleurs les petites références se notent souvent : "I’m The Man Who Loves You" ne rappelle-t-il pas "Everybody Knows this Is Nowhere" de Neil Young ? Et l’intro de "Pot Kettle Black" n’évoque-t-elle pas un fameux tube de The Cure ? Et T.Rex par-ci, et le Velvet par-là… Mais ce ne sont là que des touches légères, on ne les accusera certainement pas de plagiat.
Le songwriting, lorsqu’il est bon, est éternel. Les chansons de Wilco sont de haute volée.
Et franchement, par-delà toute considération critique, il y a l’état de grâce et la majesté, une prétendante à la plus belle chanson de l’année : "Jesus, etc…".
Taisez-vous. Ecoutez.
Hugues
I Am Trying To Break Your Heart
Kamera
Radio Cure
War On War
Jesus, etc…
Ashes Of American Flags
Heavy Metal Drummer
I’m The Man Who Loves You
Pot Kettle Black
Poor Places
Reservations
Wilco – Cruel Country – POPnews
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