Kasey Chambers – Barricades & Brickwalls
(EMI Music Australia/Import) – [site]
"Well I’m not much like my generation / Their music only hurts my ears" : quelques paroles qui font figure d’étendard… Ces mots sont ceux de son premier simple, "Cry Like A Baby" (avril 99) : une voix d’un éclat fulgurant, avec quelque chose d’affectif dedans, et puis la musique, claire, mid/up-tempo, catchy. Un charme unique s’en dégage, de ce charme qu’on trouve chez les premiers pas des phénomènes. On sent un élan, une vitalité, une fraîcheur. Ce simple ouvre l’album "The Captain" paru un mois plus tard : un disque unique, un trésor – non pas que les compositions y soient géniales, non, elles sont plutôt du genre mainstream, bien qu’avec d’évidentes racines country, on placerait ça entre Lucinda Williams et Cyndi Lauper (!)… mais il y a l’impact inouï d’une voix et d’un son : "Cry Like A Baby", "You Got The Car", "Don’t Talk Back"…
Kasey a vingt-cinq ans, elle est australienne. Sa voix est souvent nasale (typiquement country), haut-perchée, cassée, et d’une puissance prenante. "Barricades & Brickwalls" est son deuxième album : on a ici la pochette originale (australienne) du disque paru à l’automne dernier – c’en est une autre pour l’album américain (sans autre variante) sorti en ce début d’année. Par rapport à "The Captain", ce second album diversifie davantage les styles, et en apporte un inédit, un feeling heavy qu’on ne connaissait pas chez Kasey jusque-là : ainsi "Barricades & Brickwalls" (sous influence Fred Eaglesmith), "Runaway Train" et l’impressionnant "Crossfire" (à la guitare : Mark Punch – un nouveau venu dans le backing band habituel). Elle chante bien (pléonasme), ça joue bien, on est content. Les meilleurs moments sont ces ballades agréablement entraînantes, ces mélodies joliment accrocheuses que sont "Not Pretty Enough" et "On A Bad Day" (Lucinda Williams l’accompagne discrètement sur cette dernière, à voix grave). Ces deux chansons sont d’ailleurs sorties en simples. La première est même n°1 en Australie à l’heure où je vous parle : une majorité de gens se reconnaissent dans les textes personnels de Kasey. Sachant que celle-ci écrit et compose toutes ses chansons à de rares exceptions près, il y a de quoi être séduit. Dwight Yoakam lui-même a déclaré : "Unbelievable. A writer and a voice – what a double gift". Il a bien raison, le monsieur.
L’autre moment fort est un titre caché qui s’appelle "Ignorance", incontestablement la plus poignante ballade que Kasey ait jamais écrite, une folk song ample, à l’ancienne, privilégiant l’émotion brute : exercice très périlleux dont elle se sort avec les honneurs. Ce n’est hélas pas toujours le cas sur une partie du disque, trois chansons pour être exact : "Nullarbor Song", "A Million tears" et "This Mountain" sont des ballades lassantes voire pesantes, alors qu’elles étaient plus inspirées sur le premier album. Néanmoins "Falling Into You", autre ballade du même genre, fait son effet. Je souhaite que Kasey ne persiste pas trop dans cette voie, le filon commence à s’épuiser. C’est d’ailleurs une question que je me pose : va-t-elle savoir se renouveler, évoluer ? "If I Were You" est le genre de chanson, en moins frais, qu’on trouvait sur le premier disque.
Heureusement, Kasey reste attachée aux racines : l’exercice de style "A Little Bit Lonesome" (à la Hank Williams) est délicieux, de même que sa reprise (en compagnie de Buddy Miller) du "Still Feeling Blue" de Gram Parsons, sans oublier "I Still Pray" avec Paul Kelly.
Dans l’ensemble, ce deuxième album reste convaincant et captivant, de par l’aura personnelle et artistique de Kasey Chambers, une des plus attachantes de la musique populaire actuelle.
Hugues
Barricades and Brickwalls
Not Pretty Enough
On a Bad Day
Runaway Train
A Little Bit Lonesome
Nullarbor Song
A Million Tears
Still Feeling Blue
This Mountain
Crossfire
Falling Into You
If I Were You
I Still Pray
Ignorance (morceau caché)