GILLIAN WELCH – Time (the Revelator)
(Acony Records)
Dans la vie, c’est une grande (autant qu’on puisse en juger) fille au profil un peu austère et qui porte des robes à fleurs lui descendant jusqu’aux chevilles – cf la pochette qui montre que le glamour est visiblement le cadet des soucis de Miss Welch. Sa musique lui ressemble : ascétique, dépouillée et très simplement fagotée – deux guitares acoustiques, la sienne et celle de son compagnon David Rawlings, une mandoline qui vient pousser la sérénade sur un titre et un très beau son chaud et boisé dans lequel aucun producteur non autorisé ne s’est apparemment permis de tripatouiller. Voilà ce qu’une écoute distraite en faisant la vaisselle permet de découvrir mais quand on a fait depuis des semaines de ce disque son principal compagnon d’insomnie (rassurez-vous cela ne me fait pas mieux dormir pour autant), il est impossible d’en rester là. D’abord parce qu’il n’y a là-dedans que deux titres anodins (dont un enregistré live au Ryman auditorium de Nashville durant lequel le public a l’air de réellement s’amuser mais il est bien le seul). Tout le reste est somptueusement bien écrit – avec un accessit spécial pour "Revelator" et "My Dear Someone" qu’on croirait échappés des usines à tubes du Brill Building –à tel point qu’il faut se pincer pour croire à la véracité de la formule "All songs written by Welch/Rawlings", certaines d’entre elles sonnant comme d’authentiques classiques. Et puis ce troisième album de Gillian Welch est un vrai disque transgénérationnel (j’évite à dessein d’employer le terme intemporel car c’est celui qu’on utilise pour désigner les trucs qu’on a déjà entendus un million de fois), en témoigne sa faculté à jeter des ponts entre la préhistoire de la musique populaire et son actualité la plus chaude. Car si "Red Clay Halo" pourrait avoir été écrite en 1928, "I Dream a Highway", morceau de bravoure d’un quart d’heure qui clôt le disque, avec sa mélancolie envoûtante et glacée, mélange allègrement (si on peut dire) la musique hilbilly, les mélopées des indiens des Plaines et le post-rock le plus barré. Comme un chaînon manquant entre la Carter Family et les Boards of Canada.
Jc
Revelator
My First Lover
My Dear Someone
Red Clay Halo
April the 14th Part 1
I Want to Sing that Rock’n’roll.
Elvis Presley Blues
Ruination Day part 2
Everything Is Free
I Dream a Highway