JEAN-LOUIS MURAT – Le moujik et sa femme
(Labels/Virgin)
Stakhanoviste alternant avec constance chefs-d’œuvre et disques plus mineurs, Jean-Louis Murat semble s’accorder une longue période récréative depuis son superbe "Mustango" de 99. Déclinaison live de ce dernier, escapade dix-septièmiste avec la Huppert, déconnades avec son groupe les Rancheros (chansons "d’après-foot", à usage interne exclusivement), sans parler des dizaines de morceaux qu’il enregistre comme d’autres respirent, et que Labels n’est pas près de sortir : depuis deux ans et demi, le barde arverne ne chôme pas mais se disperse un peu. On attendait donc de ce nouveau "vrai" album qu’il remette les pendules à l’heure et réinstalle le grimpeur des cols et des monts au sommet.
Caramba, encore raté. "Le moujik et sa femme" (et pourquoi pas "La moujik adoucit les morses" ?) est plus proche du bricolage de "Venus" ou de la B.O. du jamais vu "Mademoiselle Personne" que de l’accomplissement du "Manteau de pluie" ou de "Dolorès" – sans même parler de la grâce infinie du bref mais intense "Murat en plein air".
L’inaugural "Amour qui passe" donne la tonalité de l’ensemble : "low-key", comme disent les Anglo-Saxons. Une énième variation sur la fugacité des sentiments portée par des guitares très Calexico, résolument mid-tempo. Un peu plus enlevé, "L’Au-delà" se révèle encore plus anecdotique, mais aussi plus tenace – d’ailleurs, c’est le single. Il faut attendre le troisième morceau, le frémissant "Foule romaine", pour que Murat transcende les limitations qu’il s’est imposées (textes un peu plus directs qu’à l’accoutumée, mélodies minimales, instrumentation dépouillée), comme le Jean Bart ou le Daho des grands jours.
Si les deux chansons suivantes n’éveillent guère l’attention, la sixième, "Baby carni bird", s’affirme dès la première écoute comme le moment le plus singulier de l’album. On y retrouve le Murat sale gosse qu’on aime bien, celui qui raconte des conneries chez Ardisson, chante des gros mots en ponctuant ses couplets de "ouais" et de "woudjîîî" (sic), balance sans prévenir une guitare sale comme un pou au milieu de la chanson. Un grand moment de bullshitisme à la Lou Reed, son "Quand j’étais chanteur" à lui. Bonne nouvelle : entre Tuilière et Sanadoire, le chien de l’espace aboie encore.
Puis rentre tranquillement à la niche pour les cinq morceaux restants. On sauvera tout de même du lot "Le Monde intérieur", belle ballade voix-piano qui aurait sans doute mérité de clore le disque, à la place de l’anodin "Johnny" (à moins que la séquence du pré-CD ne soit pas définitive). Verdict : ce "Moujik" variète-folk et désinvolte est plus proche d’une compilation de faces B (et encore, pas que les meilleures) que de l’album qu’on était en droit d’attendre du berger hi-tech. L’année prochaine, peut-être ?
Vincent
L’Amour Qui Passe
L’Au-Delà
Foule Romaine
Hombre
Libellule
Baby Carni Bird
Ceux de Mycènes
Molly
Le Monde Intérieur
Vaison-la-Romaine
Le Tremplin
Un adieu impossible, à Jean-Louis Murat – POPnews
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