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Disques

laudanum – system:on

laudanum – system :on
(Monopsone / Chronowax)

laudanum - system :onQuelle maladie mentale emmèneriez-vous avec vous sur une île déserte, monsieur Malon ? La schizophrénie, histoire de vous sentir moins seul ? Deux ans après votre trop discret « Froids », toujours à (re)découvrir, le Mister Hyde qui est en vous (ou est-ce le Docteur Jekyll) avait annoncé qu’il s’attelait au premier album de laudanum, son "projet électronique". Généralement, à ce moment-là, on hausse les épaules, un peu comme quand le quadra rangé abandonne le costard-cravate de la normalité pour aller s’enfermer au grenier avec le train électrique du fiston, manière de dire que tout cela n’est pas très sérieux et qu’il ne s’agit "que" d’une récréation. Ludique et récréatif, "system:on" l’est, c’est indéniable, mais s’il n’avait été que cela, il aurait bien vite rejoint le tout venant de la production électronique française. Or il y a dans "system:on" beaucoup plus : une détermination, une âme, une sensibilité et un soin du détail qui, au bout de quelques écoutes, confèrent à ce disque une humanité rare.
Prenons "Afternoon (to Dorothy Parker)", qui ouvre l’album, et ses apparents gros sabots électroniques collection automne-hiver 1980 sur lesquels vous posez avec un soin la scansion froide de Dorothy Parker (à laquelle les Trembling Blue Stars avaient déjà chipé le titre d’un de leurs albums). Vous pouvez être fier de vous, monsieur Malon, ça finit par filer la chair de poule. Et puis tiens, comme on parlait de ludique et d’électronique, vous prenez un malin plaisir à jouer les contre-pieds, à ressortir votre plus grosse guitare et à la faire vrombir aux oreilles d’un (Saint) Aidan Moffat des plus grivois pour un "FBW" irrésistible, tour à tour pilonnage furieux et envolée cinématographique. Si votre lascif "Scene from a Pornographic Movie" invite à de sensuelles et frénétiques activités mieux que toute tentative de Royksöpp, vos "Words and Idea" et "Nitelife" pourraient à l’aise faire office de bande originale pour un Blade Runner cyberpunk ou quelque jeu playstation de courses de bagnoles intersidérales. Entre ces deux-là, première respiration, première "chanson", l’introspective "Honest" joue la tension entre la douceur de votre chant, parfois quasi chuchoté, et une rythmique implacable et obstinée. Puis arrive "Russian Moon", couplet en russe, refrain en anglais, chanté par la pétulante Angèle David-Guillou, parfaite en espionne venue du froid. Difficile de résister à ce refrain inter sidérant et à ces gimmicks parfaits tout droit sortis de nos meilleurs souvenirs des années 80. Ensuite, vous faites chanter votre ordinateur sur "Catching Blue" sur des breaks de batterie impressionnants, vous vous permettez sans complexe de battre Moby à son propre jeu le temps d’un "I’m coming home" avant de jeter un froid (voire plusieurs, c’est votre habitude) avec le glaçant et un peu long (mais beau) "Symphony For The Things Left Behind", sa ritournelle à la guitare acoustique en écho à celle qui ouvrait "Afternoon" (la boucle est bouclée), son orgue sépulcral et sa trompette post-flamenco. Fin, "system:off", et l’impression tenace, monsieur Malon, que vous avez laissé derrière vous de quoi vous faire rentrer avec les honneurs dans le club très fermé des musiciens qui, sans pose superficielle ni cynisme, et sans jouer la carte trop rebattue de l’émotion, de la "fragilité-malgré-les-machines", auront ajouté une nouvelle facette d’humanité à la musique dite électronique.
Cela valait largement un dédoublement de personnalité, et l’on n’en guettera le retour de votre alter ego (the artist formerly known as Matthieu Malon) qu’avec plus d’impatience.

Guillaume

Afternoon (to Dorothy Parker)
FWB (featuring Saint Aidan)
Words and Ideas
Scenes From A Pornographic Movie
Honest
Nitelife
Russian Moon
Catching Blue
I’m Coming Home
Symphony for the Things Left Behind

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