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Interviews

Orwell – Interview

Malgré un ressentiment tenace contre POPnews suite à un honteux kidnapping de violons sur une certaine compilation, deux – le troisième nous fait sans doute vraiment la tête – membres d’Orwell ont bien voulu nous rencontrer pour ne parler… de beaucoup de choses, du Japon, de Nancy, de Ferrero Roche d’Or™, de Depeche Mode et du FC Metz. Rencontre avec Jérôme et Alex, du groupe Orwell, dont l’excellent premier album, « Des Lendemains… » sort ces jours-ci, et qui sera en concert au Nouveau Casino le 19 février en compagnie de Jipé (coupable d’être un ex-Innocent) et Jack. (NB : comme d’habitude, les questions marrantes sont à la fin)

Jérôme : En fait, les trois membres d’Orwell ont été des amis avant d’être des collaborateurs. C’est un fait qui est assez important. Avec Alex, on se connaît depuis l’adolescence. Thierry je l’ai rencontré à la fac. Et c’est vrai qu’on a toujours communiqué grâce à la musique mais on n’a pas travaillé ensemble rapidement, parce qu’en fait Orwell existe depuis seulement quatre ans, alors qu’on se connaît depuis quinze ans avec Alex, et depuis douze ans avec Thierry. On avait tous fait de la musique dans notre coin avant, Thierry et moi avions des expériences de groupes un peu new-wave dans les années 80. Ne nous en tenez pas rigueur ! Alex a fait beaucoup de piano-bar…

Alex : j’ai fait un peu de jazz aussi. J’ai touché à pas mal de styles musicaux, et notamment le piano-bar. C’était assez intéressant parce que j’ai été amené à jouer sur des morceaux où je devais expérimenter des styles pour lesquels je n’étais pas forcément formé. Parce qu’au départ j’avais une formation classique, donc ça m’a obligé à devenir souple…

Jérôme : ce qui veut dire de manière sympathique qu’il est le seul musicien crédible du groupe…

Alex : non, non, pas du tout. Mais ce qui je pense est assez intéressant avec Thierry et Jérôme, c’est que l’on a une approche qui se rejoint sur les finalités mais qu’on a eu un apprentissage de la musique complètement différent. Ils ont une culture plus orale que moi. Je passe beaucoup plus par l’écrit, c’est sans doute le grand défaut des musiciens classiques, et ce qui m’intéresse aussi beaucoup chez eux, c’est qu’ils ont une approche très instinctive de l’instrument alors que moi je dois formater ma pratique du piano par exemple à une partition. On est relativement complémentaires.

Jérôme : je pense aussi que comme on a tous de la bouteille, on est tous trentenaires, on a du recul par rapport à la musique. On a tous eu des groupes où on répétait des morceaux, alors qu’aujourd’hui les morceaux sont presque devenus de la pâte qu’on se passe. Je commence à faire une boule informe, je la passe à Alex qui la re triture un peu, après Thierry passe… ça se fait par strates. On fait presque de la pop comme aujourd’hui des gens font de la musique électronique. En même temps que nous sommes créateurs, nous sommes spectateurs de la musique. C’est peut-être pas la meilleure manière de travailler, mais en tout cas c’est une manière à laquelle on est arrivé par dépit. Parce qu’on n’a jamais eu le budget d’avoir un groupe, d’enregistrer des disques par exemple comme Tahiti 80. On a été obligé de s’équiper chez nous avec des petits studios, on a une approche plus réfléchie.

Il y a un côté un peu interactif. Du genre »tiens, je vais lui envoyer ca, on va voir sa réaction »…

Jérôme : oui, d’ailleurs on n’habite pas dans la même ville.

Vous disiez que vous étiez amis avant de former un groupe. Au niveau musical, vous vous retrouviez avec des goûts communs ?

Alex : on s’est retrouvé sur la new-wave.

Jérôme : c’est ce qui nous rassemble tous. On était tous ados au début des années 80, et on a tous dansé sur les premiers Simple Minds, avant 1984, je tiens à le signaler, date de référence par rapport à la carrière de Simple Minds et étrange coïncidence par rapport au nom de notre groupe. On a tendance à oublier que Simple Minds a été un bon groupe avant 1984. Cela mis à part, y a toute une période musicale sur laquelle on se rejoint. Ce n’est pas quelque chose qui restera comme une référence dans l’histoire de la musique mais nous étions ados à cette époque-là. C’est une musique absolument pas respectable, peut être que ça reviendra, mais y a quand même des tas de groupes obscurs que je peux te citer dont j’étais super fan et dont tout le monde se fout aujourd’hui comme The Sound,… Les références un peu plus nobles dans la musique, on y est venu après par souci de connaître mieux l’histoire. Ça a commencé par Bowie, après j’ai découvert Eno, Roxy Music. Je suis parti des références citées par les groupes de new-wave des années 80, et je suis arrivé à Scott Walker et aux années 60. Pour revenir à l’origine de la question, ce qui nous a rassemblés, c’est notre adolescence commune du début des années 80 et les groupes qui allaient avec … Quelque chose à ajouter Alex ? Je n’ai pas parlé de Depeche Mode pour ta crédibilité…

Alex : j’étais un grand fan de Depeche Mode. Ça fait longtemps que je n’ai pas réécouté. Je pense que c’est aussi lié à l’instrument que je pratique. Depeche c’était un peu ça, la recherche du son… C’était relativement intéressant. Par le fait de mon instrument, j’essayais de recréer avec des synthés de fortune, le son qu’ils avaient, donc j’ai programmé plein de trucs de Depeche Mode. J’ai appris aussi à décomposer des morceaux, avant de savoir les composer. C’était aussi un jeu de Lego™, plutôt ludique comme ce que disait Jérôme. Cette part de déconstruction chez Orwell : quand Jérôme apporte une idée (car c’est souvent lui qui apporte les idées), il nous fait écouter ses maquettes, il nous laisse agir sur ses morceaux, ce qui n’est pas facile. C’est aussi un exercice d’humilité parce que, par moments, on n’est pas forcément d’accord avec lui alors on prend d’autres options. Il est d’accord ou non, mais en général ça se passe bien. Donc c’est par la déconstruction qu’on arrive à créer un son et des morceaux…

Ce n’est pas laborieux quand même, vous ne vous battez pas…

Alex : non pas du tout. C’est pour ça que l’on parle d’amitié, il n’y a pas de tensions.

Jérôme : quand on n’est pas d’accord, on s’en sort souvent grâce à la plaisanterie en fait. En plus c’est une période de notre vie où l’on est amené à réfléchir pas mal sur les problèmes humains, et notamment dans le domaine de la musique, on se rend compte qu’on a de la chance d’être amis avant d’être collaborateurs. J’y suis plus sensible aujourd’hui que quand j’ai commencé la musique. Parce qu’en fait, j’ai eu un groupe avant de faire Orwell pendant assez longtemps, on était une bande de copains et j’avais vraiment privilégié l’aspect amical et non musical et je m’en étais un peu mordu les doigts parce qu’on est passé à côté de certains trucs à mon avis à cause de ça. Et aujourd’hui, c’est vraiment la situation parfaite : on est amis et je crois qu’on a créé une espèce d’effervescence entre nous. On fait tous des trucs dans nos coins, Alex et Thierry ne font pas que Orwell, ils ont aussi d’autres projets et je crois qu’il y a une espèce d’émulation qui fait, j’espère, que ce qu’on fait est de mieux en mieux.

Donc, concrètement, la naissance d’Orwell, ça remonte à 3-4 ans…

En fait, moi j’avais envie de rompre un peu avec l’idée de « groupe étudiant ». J’avais donné pendant plusieurs années, avec des gens qui étaient plus ou moins motivés, qui avaient plutôt envie de se défouler et pas trop de se concentrer sur l’écriture de chansons. Et c’est vrai qu’avec Orwell, il est arrivé un moment où l’on avait tous envie de faire des trucs plus sérieux, et le hasard de la vie a fait que c’était parfaitement en phase avec les aventures de Thierry et Alex à ce moment. En fait, l’idée c’était plutôt celle d’un trio, de constituer une formation à géométrie variable et d’intégrer le maximum d’arrangements possibles selon les moyens et selon les endroits, et surtout absolument pas de définir de limites aux sons qu’on pouvait avoir.

Vous n’avez pas fait de choix d’emblée : un côté plutôt cordes, arrangements… un côté plutôt électronique ?

Non, parce que, sans avoir des considérations minimalistes stupides, avec le fait d’arriver au terme de 40-50 ans de musique pop, de changer de siècle, de millénaire, tu as tendance à plutôt te retourner sur ce qui s’est fait et je crois que le fait d’avoir un passé aussi riche à disposition, avec l’évolution de la technologie force à se dire « pourquoi te restreindre à un son, à un type de truc ? ». La musique pop, c’est tellement artificiel. Un groupe peut être monté par la presse sur un son, un gimmick et, au final, à l’écoute, tu es hyper déçu. Je considère qu’on a la chance d’avoir derrière nous 40-50 ans de musique pop et de pouvoir aller où l’on veut, quand on veut. Juste avec les samplers, tu peux aller chercher un son où tu veux et le seul truc qui nous guide c’est le son dont la chanson a besoin. Si elle a besoin d’une batterie qui sonne comme une batterie à la Phil Spector, on va tenter et puis en même temps on va mettre une guitare avec un chorus dessus qui nous rappelle un truc de New Wave, on s’en fout. L’idée c’est qu’on se concentre sur une chanson et à chaque fois, on essaie de la faire sonner le mieux possible.

Tu parles de la production, que vous faites vous-même. C’est un point hyper important…

C’est marrant parce que c’est quelque chose qu’on a fait nous-mêmes un peu par dépit. Si on voulait sortir des disques, c’était le seul moyen qu’on avait donc on est devenu nos propres producteurs et en fait je ne suis pas certain qu’on soit encore, pour le moment, très fort techniquement. Sur le plan des choix, on commence à être en phase avec ce qu’on veut faire, c’est-à-dire réussir, grâce à la technique, à reproduire le plus près possible les idées qu’on a. Je pense que c’est un peu le propos d’Orwell. On n’a pas un son particulier, une démarche particulière mais simplement, on fait une chanson, on se dit « qu’est-ce qu’il lui faudrait à cette chanson pour sonner le mieux possible ? », par rapport à ce qu’on veut quitte à aller chercher dans les années 60, 70, 80 ou aujourd’hui, peu importe. Je pense que se restreindre à un son, c’est assez réducteur. C’est complètement typique de la production française, je trouve, de privilégier à fond l’identité. Un chanteur qui va sortir, ça va être le son de sa voix, son attitude, sa gueule. Tu vois Miossec, c’est un mec qui a un public hyper fidèle. Les gens le suivent, mais sur quatre albums, je trouve personnellement que ça tourne un peu en rond. C’est vraiment typique de la culture française, de la chanson française, la notion d’identité est hyper forte, alors que nous on préfère l’oublier. On ferait presque de la pop comme Daft Punk fait de la musique électronique : peu importe qui l’on est, comment on fait, on essaie de faire en sorte que nos chansons fonctionnent à un moment donné de notre vie, quitte à ce que la suivante sonne différemment. On peut perturber les gens, mais en tout cas moi, c’est toujours comme ça que j’ai apprécié la musique. J’aime les morceaux, ce qu’ils proposent, quels que soient leurs sons, quel que soit leur style.

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