MARY GAUTHIER – Drag Queens In Limousines
(In The Black 1999/ Munich 2001/Next Music)
Comme son nom ne l’indique pas, Mary Gauthier est américaine (native de Louisiane). Elle a évolué, comme de nombreux compatriotes, sur le circuit country-folk. Ce disque est son deuxième, paru aux Etats-Unis en 1999, et seulement en Europe l’année dernière. Pour le fréquenter depuis plusieurs mois, je comprends pourquoi il fut unanimement salué comme un grand disque, sinon un chef-d’œuvre, par les amateurs avisés. Nous avons ici un recueil de dix ballades dont le lyrisme fait mouche avec force dans une forme simple, ce qui n’est pas sans rappeler le Dylan acoustique des sixties. Il faut aussi souligner l’admirable maîtrise des arrangements, un modèle de finesse et de sobriété – tout n’étant ici que pour servir l’émotion et la cohérence du propos. Quel que soit le genre musical que nous apprécions, il faut admettre que, pour cause d’indisponibilité de cette œuvre de ce côté-ci de l’Atlantique, nous sommes passés à côté d’un des chefs-d’œuvre de 1999.
Il est vrai que la notion de chef-d’œuvre varie selon les individus : « Drag Queens In Limousines » n’est pas une révolution musicale, pas même de country décadente. C’est d’abord un disque qui met le cœur à l’épreuve, parce qu’il exprime sans détour les douleurs ( « yes I know it’s hard to know the truth », dit-elle sur « Lucky Stars » ), à la limite du sado-masochisme moral. Mais surtout, c’est un disque qui atteint une beauté indéniable, voire impériale, au fil de chansons graves et amères. Outre le morceau-titre d’ouverture ( qui sonne comme un classique impérissable après quelques écoutes ) et un plus up-tempo « Jackie’s Train » pour conclure ( qui fait un certain bien après les neufs titres précédents ), les moments saisissants d’émotion ne manquent pas, par la grâce de lignes d’orgue ou de synthé bien senties ( « Evangeline » ) et plus généralement d’instruments judicieusement choisis pour l’atmosphère de chaque chanson. Il ne faut pas non plus négliger la voix de Mary, qui n’a pas un timbre impressionnant mais sait varier ses effets.
En ce qui concerne le sujet des chansons, j’avoue ne pas m’y être attardé de trop près, quoiqu’elles ne semblent pas être dénuées d’intérêt, loin de là…Mary y consacre quelques chansons à divers marginaux, rejetés de la société – dont Karla Faye Tucker, condamnée à mort par le gouvernement du Texas, exécutée en 1998 (avec ce genre de sujet, ça ne risquait pas d’être guilleret), et y fait aussi le point sur des liaisons difficiles.
De son art, elle dit qu’ il s’agit d’être « vrai », et le compliment qu’elle aime entendre est « je pensais détester la country mais j’aime ce que vous faites ».
Moi je constate que même lorsqu’on ne comprend pas tout ce que l’artiste a exprimé, il reste que ce qu’il a exprimé est « beau », et que ça peut suffire au bonheur de l’auditeur, s’il sait apprécier le voyage original et intérieur, toujours enrichissant, des émotions humaines.
Hugues
Drag Queens In Limousines
Our Lady Of The Shooting Stars
Karla Faye
I Drink
Evangeline
Lucky Stars
Different Kind Of Gone
Slip Of The Tongue
Lifetime
Jackie’s Train