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Björk – Interview

A l’occasion de la sortie de Vespertine, Bjork est finalement passée par la case « promo-interview » pour parfaire son plan de conquète du monde pas-trop-indie-mais-juste-ce-qu’il-faut,. POPnews n’a pas raté cette conférence de presse, et le résultat est retranscrit dans les pages qui suivent…

Pourquoi fais-tu si peu de promotion pour Vespertine ?
Je crois que c’est délicat de trouver un équilibre entre « faire de la musique » et « parler de la musique que l’on fait ». je respecte les gens qui sont « puritains », au point de ne plus accorder aucune interview. J’ai des amis qui sont comme ça, aussi bien dans la musique que dans d’autres domaines artistiques. Pour eux, donner la moindre interview romprait cet équilibre. Alors que d’autres font beaucoup de promotion, sans que ça les dérange dans leur travail. Je pense que pour les gens qui font le même métier que moi, c’est une question importante. Il faut pouvoir concilier les deux, se remettre sereinement à son travail, après en avoir beaucoup parlé, avec beaucoup de gens, en peu de temps. Savoir se concentrer de nouveau sur l’essentiel.
Avec mes collaborateurs, en ce moment, nous sommes très enthousiastes et excités à l’idée de continuer à faire de la musique ensemble. Nous travaillons sur de nouveaux morceaux entre les concerts, nous essayons d’en écrire… C’est une période très féconde.

L’album est plutôt intimiste. Pourquoi alors t’entoures-tu d’autant de musiciens pour cette tournée ?
Effectivement, ce nouveau disque est très intimiste ; pour composer les morceaux, je suis restée longtemps seule, isolée… On finit par y prendre goût. Et puis, soudain, c’est totalement l’inverse, avec les concerts : la musique qu’on entend dans sa tête, ce n’est plus un murmure mais des chœurs, il faut chanter vraiment, s’exposer. Je pourrais dire qu’avoir beaucoup de personnes avec moi sur scène, c’est comme si j’échappais à mon ego. Bien sûr, c’est paradoxal : un album à l’atmosphère intimiste d’un côté, et de l’autre beaucoup de gens avec soi. Mais le but, c’est d’arriver à un certain niveau de pureté et d’harmonie dans la musique, en se mêlant à d’autres personnes, à l’orchestre, aux chœurs, et en y dissolvant ainsi son ego.
En même temps, les musiciens jouent plutôt de manière intériorisée et retenue, comme Zeena Perkins, la harpiste. Cela fait quelque chose comme 14 mois qu’on travaille ensemble sans relâche, d’abord sur l’album et maintenant sur la tournée. Nous avons une relation musicale très forte. Avec le duo Matmos, c’est une relation d’un type différent, mais je suis aussi très proche d’eux.

La signification des textes a-t-elle une grande importance pour toi, ou es-tu plus attachée à leur sonorité ?
Longtemps j’ai eu du mal avec les mots, j’ai mis du temps à me familiariser avec eux. Je n’étais pas très « fan » des mots, si vous voulez. Jusqu’à ce que j’aie 20 ans, j’ai surtout chanté des bruits, des sons. Ensuite, j’ai parsemé mes chansons de quelques mots, comme des indices de ce que je voulais exprimer. Puis, j’ai commencé à traduire les paroles de l’islandais à l’anglais. Mais c’est venu petit à petit, ce n’était pas un processus naturel pour moi. J’ai longtemps pensé que chanter simplement des sons, cela suffisait. Ajouter des mots à ma voix, c’était un effort pour communiquer avec les êtres humains, et je ne le regrette pas.

Pourquoi as-tu choisi de te produire à la Sainte-Chapelle, à Paris ?
J’ai fait Vespertine dans une optique totalement différente de Homogenic, mon album précédent. Homogenic avait été conçu après avoir tourné pendant 4 ou 5 ans. Tout était du domaine de l’exagération : des concerts dans des stades immenses, avec des centaines de milliers de spectateurs. Homogenic en portait la marque : c’était un disque très extraverti, où tout était comme amplifié, multiplié. Je voulais donc partir dans la direction opposée. Peut-être que l’endroit idéal sur terre, ce n’est pas un festival de rock avec 500 000 personnes, mais plutôt chez vous, dans votre salon, avec un livre. C’aurait été facile de faire un deuxième Homogenic. En revanche, c’était un véritable défi de faire son exact contraire. S’asseoir dans un fauteuil, lire un livre, et trouver l’énergie de faire un album excitant.
Je voulais aussi célébrer le foyer, son chez-soi. Ce n’est pas forcément cet endroit terne et ennuyeux, ça peut être aussi stimulant. Ce qui est arrivé, c’est que mon rapport à la musique, au son, a totalement changé entre le précédent album et celui-ci. Avec Homogenic, tout était à plein volume, à gorge déployée. Alors que Vespertine, c’est le murmure, beaucoup plus acoustique… C’est le volume sonore de la vie de tous les jours, quand on discute avec ses amis, au téléphone… Ce n’est pas le volume poussé à fond d’un concert de rock, quand on ne s’entend même plus.
Donc, quand on a commencé à organiser la tournée, à l’été 2000, il est vite apparu évident qu’on ne pouvait pas jouer dans des clubs de rock classiques, où la bière coule à flots, où la déco part dans tous les sens. Ces chansons fragiles pour harpe et boîte à musique, qui murmurent et parlent d’introversion, du fait d’être seule la nuit, qui vous font entrer de délicats papillons dans l’oreille, n’auraient pas vraiment eu leur place dans une salle rock. Nous nous sommes donc mis à chercher dans le monde entier des endroits où l’on puisse respirer, et où la musique aussi puisse respirer. C’a été un gros travail. Dans chaque ville, c’est un type de salle différent. Dans l’une, c’est une église ou une chapelle, dans une autre un opéra… Mais n’allez pas croire que je sois devenue soudain très religieuse, ou que je ne jure plus que par la musique classique. Je suis toujours très fière de faire de la pop-music pour tout le monde. C’est simplement pour des raisons d’acoustique : il faut que je puisse respirer et que l’on puisse jouer à très faible volume. A Paris, nous avons joué au Grand Rex, j’aurais préféré que l’endroit soit beaucoup plus petit. Ainsi, on n’aurait pas eu besoin de sonoriser l’orchestre. A la Sainte-Chapelle, on peut se déplacer et chanter sans amplification. C’est cela mon but. De chanter comme si j’étais chez moi.

 

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