IDAHO – Levitate
(Idaho Music / Poplane)
C’est l’histoire d’un groupe sortant régulièrement des disques qui, dans un monde parfait, seraient gravés directement dans le marbre (et si vous trouvez que j’exagère, tant pis). L’histoire d’un type approchant la quarantaine qui continue envers et contre tout à croire en ce qu’il fait. C’est donc le sixième album d’Idaho (sans compter le fabuleux live People Like Us Should Be Stopped) qui sort bientôt sur Idaho Music, le label qu’ils ont créé en 2000 avec le revenant John Berry (co-fondateur du groupe en 1992) et Dale Stewart. Et il est permis d’espérer qu’il aura plus de succès que les cinq précédents, ce qui ne devrait pas être difficile vu la scandaleuse indifférence (à mon sens en tout cas) qui entoure leur discographie.
Maintenant que j’ai fini d’essayer de vous culpabiliser, à quoi ressemble ce disque? C’est peut-être le premier album "révolutionnaire" d’Idaho, celui qui marque la plus grande rupture (ou la plus grande évolution) avec le passé. Et c’est probablement leur meilleur album à ce jour.
Jeff Martin n’essaie même plus de faire croire qu’il y a du monde autour, que plusieurs musiciens se sont réunis pour faire ce disque. En dehors d’Alex Kimmel à la batterie sur quelques morceaux, il est seul à bord. C’est tellement personnel qu’il a même dû oublier que d’autres que lui allaient écouter cet album. On ne s’en rend pas compte tout de suite, pourtant. Ça démarre comme du Idaho "classique", toutes guitares dehors, avec cette voix inimitable qui s’élance et s’arrête net pour murmurer, le temps d’un "Wondering The Fields" tout en rondeur et en ruptures de rythme, ou qui s’éraille à l’occasion sur "20 Years".
Ensuite ça fout les larmes aux yeux tellement c’est à la fois lointain et intime, éthéré et organique, à commencer par le lumineux "On The Shore" et son piano en suspension. Comme si Jeff Martin s’amusait à nous voler nos souvenirs d’enfance pour les mettre en musique. Des souvenirs de vacances, de soleil et d’orages, d’après-midi à se croire éternel. De ceux dont on ne parvient jamais à se rappeler complètement et qu’on tourne en dérision parce que c’est plus facile. Levitate respire la tendresse, la tranquillité et la mélancolie sans pathos, comme sur "Santa Claus Is Weird", à dix mètres au dessus du sol. Quelques machines discrètes, quelques guitares, beaucoup de piano. Comme s’il s’était assis devant et s’était simplement laissé aller, par exemple sur "Orange", subtil et "nick-drakien" en diable.
C’est donc l’histoire d’un type approchant la quarantaine qui continue envers et contre tout à croire en ce qu’il fait, même s’il n’est pas reconnu pour ce qu’il est : une des personnalités musicales les plus complexes et les plus riches qui soient.
C’est l’histoire d’un type qui sort un album qui n’aurait pas pu s’appeler autrement que Levitate tant ce titre le décrit fidèlement. Un disque d’une élégance rare, introspectif et aérien. Un chef d’œuvre, quoi.
Loik
Wondering The Fields
20 Years
For Granted
On The Shore
Levitate Part 2
Santa Claus Is Weird
Orange
Come Back Home
Carousel
Casa Mia
Levitate