NICK CAVE AND THE BAD SEEDS
Hala Ludowa, Wroclaw, Pologne, 25 mai 2001
Bien qu’étant depuis longtemps au moins aussi populaire dans les pays de l’Est que dans le reste de l’Europe, Nick Cave n’assurait que le service minimum lors de cette tournée. La Pologne, où son dernier album figure pourtant dans les meilleures ventes, n’a ainsi eu droit qu’à une seule date, à Wroclaw (prononcez entre « vrotswave » et « vrotsuave »). La ville principale de l’ouest de la Pologne avait sans doute été préférée à Varsovie pour des raisons logistiques, le groupe arrivant de Budapest et repartant pour Prague – prenez une carte, vous comprendrez.
J’ai donc dû faire pas moins de 9 h 30 de train A/R (la Pologne n’a pas encore de TGV) mais je ne le regrette pas: Wroclaw est une ville fort agréable et, surtout, le concert a tenu toutes ses promesses. Pourtant, la Hala Ludowa (Halle populaire), une immense rotonde coiffée d’un dôme en paliers qui fleure bon l’architecture socialiste et le béton bon marché, ne vaut pas la salle des congrès du Palais de la culture, à Varsovie. L’intérieur, avec ses gradins de sièges en plastique, ressemble à un gymnase et l’acoustique n’est pas franchement celle d’un auditorium. La première et dernière fois où j’avais vu l’Australien, c’était quand même à l’Olympia, pour la tournée « Let love in » en 1995… Mais Nick Cave and the Bad Seeds seraient sans doute capables de donner un concert grandiose dans une patinoire un dimanche après-midi.
Il est 21 h quand Nick – chemise noire et veste grise – et ses sept musiciens montent sur scène. Le groupe attaque (c’est le mot juste) avec un « 15 feet of pure white snow » (dont le clip, où apparaît entre autres Jarvis Cocker, vaut le coup d’œil) ample et tendu, qui augure bien de la suite. Pour l’essentiel, celle-ci se compose d’une bonne moitié du dernier album et de morceaux pris aux précédents jusqu’à « Tender Prey » (un ou deux de chaque).Bien sûr, il aurait fallu des heures de concert pour que chaque spectateur entende tous ses chansons préférées ; on devra se contenter d’un best of plutôt pertinent: Weeping song, Lime tree arbour, Do you love me ?, Red right hand (le groupe en rajoutant dans le côté « musique de vieille série B »), Papa won’t leave you Henry (explosif), The Ship song (façon hymne), The Mercy Seat (au crescendo toujours aussi impressionnant – un morceau dont la star du rock polonais Kazik livre une adaptation sur son dernier album), Into my arms déchirant, etc.
L’ombre portée du prêcheur s’étale, à la « Nosferatu », sur l’orbe du mur, à gauche de la scène. Nick, comme d’habitude, n’est pas particulièrement bavard mais remercie régulièrement le public, particulièrement fervent, serre des mains au premier rang. Si sa prestation reflète en partie l’assagissement des trois derniers albums, Nick Cave sait encore nous réserver de ces moments paroxystiques qui ont fait sa réputation. Les Bad Seeds, autour des fidèles lieutenants Harvey et Bargeld, sont suprêmes aussi bien dans la douceur que dans le déchaînement épique et restent sans doute le meilleur backing-band du monde. Au premier rappel, Nick nous fera ainsi la surprise de jouer l’un de ses plus anciens morceaux enregistrés avec le groupe. Un morceau tellement vieux que je ne l’ai pas reconnu, et que lui-même ne se souvenait pas s’il figurait sur son premier album avec les Bad Seeds ou sur le suivant. Il restera en tout cas comme l’un des points culminants du concert, les velléités expérimentales et bruitistes de certains de ses musiciens (Blixa Bargeld est le leader des géniaux Einstürzende Neubauten, le violoniste Warren Ellis celui des Dirty Three et le percussionniste Jim Sclavunos fut pendant quelque temps, me semble-t-il, le batteur de Sonic Youth) étant ici parfaitement exploitées, sans que la chanson parte dans des tergiversations oiseuses. S’il chausse de plus en plus souvent les pantoufles de Papy Cohen – c’est sa pointure -, Nick Cave sait encore donner quelques bons coups de tatanne quand il le faut. Tant mieux.
Vincent