MIGALA – Arde
(Acuarela / Pop Lane)
Parfois, il n’est pas mauvais d’attendre un peu pour parler d’un album. En premier lieu, parce que ce n’est pas forcément facile, avouons-le, de ne pas tomber dans la surenchère béate et facile, en l’occurrence de rendre justice à un disque pareil dont j’aime à penser qu’il ne peut finalement être apprécié que dans la durée. Et puis également parce qu’il faut éviter d’écrire pour un nouvel album la chronique qu’on pourrait écrire du précédent (syndrôme courant), avec quelques années d’écoutes et de recul. Dans le cas de Migala, ce serait d’ailleurs une grossière erreur, tant les espagnols ont remis leur métier sur l’ouvrage, plutôt que de continuer à bâtir les Palace en Espagne dont on les savait géniaux décorateurs plutôt qu’architectes novateurs – mais qui l’est encore ? – sur le précédent "Asi Duele Un Verano". Résultat ? n’ayons pas peur des mots, un chef d’oeuvre. Passés les deux instrumentaux introductifs, un "Primara Parada" étrangement serein, et une Calexicade du nom de "El Caballo Del Malo", qui finit l’air de rien en ondelettes de guitares, on saisit vite l’ampleur du travail accompli par Abel et les siens : sur le canevas éculé de la folk song pastorale, tresser méticuleusement leur propre étoffe, à l’aide de petits miracles, de motifs répétitifs ("La Noche"), de bruitages fondus dans la musique (accidents, cris, conversations…), de récits d’incommunicabilité, d’inadaptation au monde ("Our Times of Disaster"), et finalement d’espoir, du moins pour les autres ("But I am glad that some are together and have children", dans "Last Fool Around"). Alors qu’il aurait été si aisé de simplement toucher, Migala bouleverse l’auditeur, le remue comme il a su remuer ses chansons, en mêlant intimement classicisme d’écriture et triturage plus expérimental des structures et des sons, en mariant ses rêves étranges et ses fantômes, sans cynisme ni naïveté, sans désespoir ou glauquerie vainement affichés, sans esbrouffe. A l’arrivée : un album dont on ne peut décrocher, un désastre à l’attraction irrésistible.
Guillaume
Primera Parada
El Caballo Del Malo
Fortune’s Show Of Our Last
Times Of Disaster
Primer Tren De La Mañana
La Noche
La Espera
Suburbian Empty Movie Theatre
Principios De Agosto
The Guilt
Cuatro Estaciones
High Of Defenses
Last Fool Around
Arde