KIM – The Hard Rock
(Spirit / Wagram)
Qu’attendre de Kim, ce franc-tireur de la pop made in France ? Jusqu’à son avant-dernier album, on pouvait attendre tout et n’importe quoi, et dans le désordre -et évidemment tout n’était pas forcément convainquant. La sortie de "Metallic sane", oasis de folk délicat, a été une excellente surprise, un disque de songwriting cohérent et inspiré, peu spectaculaire mais durablement enchanteur. Kim est aujourd’hui de retour et revient à sa méthode favorite : le jukebox en court-circuit, le bric et le broc, l’essentiel et l’accessoire, bruit et chanson. Du coup, il ne nous épargne pas un compte-rendu détaillé, chaque morceau fonctionnant comme un photomaton de ses amis musicaux préférés. "La grande traversée" ouvre le bal, instrumental western spaghetti à la Morricone revu par le Monochrome Set.
En reprenant le titre d’un des albums d’Astérix, Kim livre d’emblée (mais sans chanter) son fantasme le plus cher : gagner l’Amérique, même s’il faut affronter la tempête. Du coup, il force un peu sur la manière forte pour les morceaux suivants, le punk’n’roll "Over & over", le très JohnSpencérien "Baby’s got the noawne", le bubble-gum garage "My dolly wake up!" ou encore "Baby’s got a ringo lone". Refoulé à la douane pour mauvaises manières (il a tenté de ridiculiser les yankees sur leur propre terrain), Kim trouve provisoirement refuge en Albion, pour un fabuleux "Armando" très Kinks 66, où orgue et sitar forment un tapis psychédélique aux motifs sinueux. Un peu à l’étroit dans son île, Kim décide alors de se cogner la tête aux murs pour faire de l’espace : le bien-nommé "Ultra violence" porte encore l’impact des coups de boule. Puis on échange la violence gratuite
pour une tension plus contrôlée : "David Lespes" est le cousin de Black Francis, même voix étranglée et guitares furibardes, même refrain irrésistible. Après "the hard rock", the soft rock : le mélancolique "Marlene on a sofa" pose provisoirement Kim dans les pantoufles d’un Sebadoh en ballade. Puis retour au pays des Teletubbies pour un superbe "Daisy Hawkins" qui fait télescoper Ray Davies (Kinks encore) avec Lou Barlow (voir ligne précédente) -qui s’en plaindra ? Surtout que la voix de Kim fait merveille dans ce répertoire. On retrouve enfin en fin d’album la veine folk du gars, pour un "Stay" sublime, où Donovan est l’invité spécial de Paul MacCartney, ce genre de rencontre au sommet. Puis clôture de l’affaire avec "Mk 118" entre Gorky’s Zygotyc Mynci et Built to spill. On l’avouera, on préfère assez nettement cette veine plus tranquille de Kim, où l’évidente sensibilité du bonhomme se marie très bien à son talent mélodique. On aime bien Kim, parce qu’il faut avoir un certain courage -ou innocence- pour mettre en avant et revendiquer autant d’influences disparates. Mais on n’est pas dans Austin Powers : pas de parodie débile ou de reconstitution grossière. Kim découpe, pille, colle et remonte des chansons avec tout ce qui lui tombe sous la main (et les oreilles) et c’est très bien comme ça.
S’il y en a qui se demandent où est le vrai Kim dans tout ça, on leur répondra justement qu’on ne sait pas. Comme un Ween (en moins barjot) ou un Beck (en moins filou), Kim ne sait pas où il habite, car il déménage très souvent. Tout ce qu’on sait, c’est que quelqu’un qui cite à la fois Astérix, Sebadoh et les Kinks ne peut pas être foncièrement mauvais.
Laurent
La grande traversée
Over & over
Babe’s got the noawne
My dolly, wake up
Babe’s got a ringo leone
Armando
Ultra violence
David Lespes
Marlene on the sofa
Daisy Hawkins
Stay
MK 118