FREESTYLE FELLOWSHIP – To Whom It May Concern
(Beats and Rhymes)
Des disques comme celui-ci, il y en a un, deux tout au plus, pour chaque genre musical. To Whom It May Concern, le premier album de la Freestyle Fellowship, n’est pas forcément exempt de tout reproche, mais son engeance, son influence incomparable, en font un objet culte, une référence universelle, un solide point d’ancrage pour l’ensemble de la communauté hip hop, aujourd’hui. Car ce disque contient tout, de la sagesse black défendue de nos jours par les tenants du conscious rap aux bizarreries de la Bay Area en passant par le spoken word réinventé par Antipop Consortium ou par les flows dingues du Project Blowed, le collectif de disciples que lancera la Fellowship au milieu des 90’s.
Comme pour tout album culte, les débuts furent laborieux. En 1991, à l’heure où le hip hop angelino s’embrase au son du gangsta, les six de Freestyle Fellowship (Aceyalone, Mikah 9, P.E.A.C.E., Self Jupiter J. Sumbi et M.D. Himself), issus de la scène jazz du Leimert Park et du Good Life café, semblent s’être trompés d’époque. Leurs longues narrations improvisées sont à dix mille lieues des envies hip hop du moment. C’est donc en catimini, sur 500 cassettes et 300 vinyles que sort leur premier album, 800 supports qui seront par la suite copiés et recopiés à LA, NY ou sur la Bay Area par de nouvelles générations de rappeurs, jusqu’à une réédition sur CD en 1999.
Mais qu’importe, l’époque ne fait aucune différence. To Whom It May Concern a phénoménalement bien vieilli. Inspirés, affranchis, libres, Freestyle Felllowship y ont inventé le vrai jazz rap. Pas celui bête comme chou qui recycle sample de sax sur sample de piano. Non. Un rap jazz dans l’esprit. Un rap où chacun se défoule avec frénésie quel que soit le support, mélopée africaine, instru langoureuse, choeurs et saxo, piano rapide, beat futuriste ou sample tiré de Kind of Blue. Pour suivre la cadence, ou plutôt l’impulser, les MCs s’en donnent à coeur joie. Ils rappent comme des déments, sur tous les rythmes, dans tous les sens, leur facilité verbale est sidérante. Mais pour autant, l’album n’est pas inutilement bavard. Les paroles et les flows, très mélodiques, frappent où il faut, ils donnent merveilles sur merveilles, parmi lesquelles le riche et complexe « 5 O’Clock Follies » de Mikah 9 et le poignant, l’ultime, le sublime « For No Reason », où PEACE incarne l’auteur d’un meurtre qui s’interroge sur son acte.
Le dernier titre de l’album s’intitule « The Future? ». Le futur, justement ? On connaît celui de Freestyle Fellowship après ce coup de maître : une solide cote underground, un autre classique, Inner City Griots, la brillante carrière solo d’Aceyalone, celle de P.E.A.C.E., les étrangetés du rappeur fou Mikah 9, le Project Blowed, la canonisation par toute la scène indépendante à la fin de la décennie. Autant de chapitres de l’histoire du rap qui ne sont que le développement, la maturation, le sang même du seul To Whom It May Concern. Amateur de hip hop, ou pas, chaque minute de ta vie passée sans connaître ce bijou est perdue.
Sylvain
We Are The Freestyle Fellowship
My Fantasy
7th Seal
Let’s Start Over
Sunshine Men
Physical Form
120 Seconds
We Will not Tolerate
Dedications
It’s On
Sike
5 O’Clock Follies
Legal Alien
Convolutions
Jupiter’s Journey
For No Reason
Here I Am
The Future?