GRANDADDY – The Sophtware Slump
(V2)
L’apparition publique de Grandaddy en 1997 (« Under The Western Freeway") nous avait fait grand bien : enfin un groupe qui refusait de prendre parti entre une musique poignante et une musique ludique, entre larmes ravalées et rires étouffés, entre teenage-pop foutraque et folk d’adulte trop lucide. Autant dire qu’on attendait de Grandaddy qu’il poursuive son chemin de traverse sans céder aux autoroutes de la musique américaine. L’ouverture du disque ne déçoit pas : un morceau de neuf minutes carrément épique – qui commence comme du Neil Young (piano, voix), évolue vers une ballade à la Sparklehorse et finit comme du Genesis (si, si… avec plein de nappes de clavier) ! Un morceau en montagnes russes. Le reste de l’album sera une illustration parfaite de la schizophrénie du groupe : des morceaux pop nerveux à grosses guitares ("Hewlett’s Daughter", "Crystal Lake") pas si loin des Guided By Voices, alternant avec des ballades ("Underneath The Weeping Willow", "So You’ll Aim Toward The Sky") d’un autre calibre, tutoyant le Neil Young de "After The Gold Rush" ou le Brian Wilson de "Surf’s Up"… Si l’on sent poindre une ambition musicale (les compositions, l’extrême précision des détails sonores) qui n’était qu’en germe dans leur précédent album, les gars de Grandaddy ne se prennent pas pour autant pour les génies qu’ils ne sont peut-être pas encore. Cette humilité (les membres du groupe ne viennent pas d’un bled nommé Modesto pour rien) n’est absolument pas un aveu d’impuissance mais bien plus une disposition naturelle : à partir de restes divers et variés (les claviers cassés des Cars, les pédales de distortion des Pixies, des guitares retrouvées au grenier) Grandaddy fabrique ses morceaux comme un gamin solitaire joue avec ses Lego : avec patience et sans volonté de frimer. Cette musique rêveuse, constellée d’effets rétro-futuristes et portée par la voix de canard désenchanté de Jason Lytle, mélange toutes les époques, tous les styles : le rock US des années 2000 s’est trouvé ses Facteurs Cheval. Le palais idéal de Grandaddy est d’ores et déjà ouvert aux touristes.
Laurent Vaissière
He’s Simple, He’s Dumb, He’s The Pilot
Hewlett’s Daughter
Jed The Humanoid
Crystal Lake
Chartsengrafs
Underneath The Weeping Willow
Broken Household Appliance National Forest
Jed’s Other Poem (Beautiful Ground)
E. Kenievel Interlude (The Perils Of Keeping It Real)
Miner At The Dial-A-View
So You’ll Aim Toward The Sky