MOJAVE 3 – Excuses For Travellers
(4AD / Labels)
L’avantage de l’été, c’est qu’il coïncide généralement avec une période de vacances, donc de temps disponible à ne plus savoir qu’en faire. L’inconvénient, c’est justement qu’il faut trouver quoi faire de ce temps. Et comme "Ask me Tomorrow" en son temps, "Excuses for Travellers" est une occupation à lui tout seul. La musique de Neil Halstead s’épanouit dans le clair-obscur d’une chambre aux volets à demi fermés, un après-midi d’été. Une musique de vacance, au sens fort du terme, de celles qui donnent envie de baisser les bras, de s’allonger calmement et de recommencer à vivre. Ce disque est une excellente raison de rester à la maison, une belle excuse pour ceux qui n’auraient pas envie de voyager, comme son titre l’indique fort justement.
Un disque en état de grâce, qui distille une folk alanguie et assoupie, toute en délicatesse et en nuances. On sent parfois l’ombre de Nick Drake (notamment dans le magnifique Prayer For The Paranoid), dans l’économie de moyens et l’instrumentation minimale. Un certain détachement et une douceur infinie qui font monter les larmes aux yeux sans qu’on sache vraiment pourquoi. Dans son coin, Neil Halstead peaufine cette musique profondément mature, avec la patience de ceux qui n’ont plus grand chose à perdre : "I had a plan that was built on thinking too long" (In Love With A View). Pour autant, le groupe ne s’interdit pas des incursions vers une pop gentiment sautillante (l’imparable Any Day Will Be Fine et ses cuivres lumineux, ou Return To Sender, taillé dans le même bois que le Laid de James).
Les textes sont en adéquation totale avec cette atmosphère. Halstead, de sa voix légèrement voilée et parfois à la limite du murmure, balance l’air de rien de gentilles claques dans la figure avec une rare lucidité, et je ne résiste pas au plaisir d’en donner quelques exemples :
"You read some books and they broke your heart, but you don’t know one thing about life, you’re just a pretty boy." (My Life In Art) "Take this guitar out of my hands, I surrender. This town don’t need drunkards or singers of bad poetry. They need dancing and drugs and laughter and we don’t have them" (Prayer For The Paranoid).
Neil Halstead et Rachel Goswell, membres fondateurs de Mojave 3, sont des anciens de Slowdive. Leurs parcours est somme toute infiniment plus intéressant que celui de quelques-uns de leurs anciens comparses de la vague shoegazers, comme par exemple Andy Bell, réduit à jouer les utilités dans l’ex-"plus grand groupe de rock de tous les temps". Curieuse ironie : le groupe d’Halstead porte le nom d’un désert, celui de Bell le nom d’Oasis. Comme quoi l’inconfort et l’aridité sont préférables à la paresse et à l’eau croupie.
Loik
In Love With A View
Trying To Reach You
My Life In Art
Return To Sender
When You’re Drifting
Any Day Will Be Fine
She Broke You So Softly
Prayer For The Paranoid
Bringin’ Me Home
Got My Sunshine.